Le bail mobilité, ou le risque d’un détricotage de la protection des locataires
Le bail mobilité, ou le risque d’un détricotage de la protection des locataires
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Ce projet de nouveau type de contrat de location meublée d’une durée de un à dix mois doit être inséré dans la future loi logement, qui doit être discutée au Parlement en février 2018.
Le 9 novembre, le ministère de la cohésion des territoires a soumis à la Commission nationale de concertation en matière locative, qui réunit locataires et bailleurs, un projet de texte créant un nouveau bail, baptisé « bail mobilité », à insérer dans la future loi logement, qui doit être discutée au Parlement en février 2018. Il institue un nouveau type de contrat de location meublée d’une durée de un à dix mois, non renouvelable, sans dépôt de garantie et avec un montant de charges forfaitaire, qui n’a pas besoin d’être justifié.
Destiné aux jeunes en apprentissage, en formation professionnelle ou en stage, ce bail avait été promis par le candidat Macron à la présidentielle puis confirmé dans la « stratégie logement » dévoilée le 20 septembre. « Mais, en arrivant à cette réunion, Frédéric Boudier, de la direction de l’habitat, a indiqué que le gouvernement avait, la veille, décidé que ce bail mobilité s’adressait à tout le monde, raconte Alain Gaulon, secrétaire confédéral de la Confédération nationale du logement. A quel besoin répond-il ? Il existe déjà la location saisonnière de trois mois et la location meublée d’un an, voire neuf mois pour les étudiants. » « Cette extension à tous les publics détricote la loi Méhaignerie de 1989 et fragilise les locataires, estime Jean-Yves Mano, président de l’association Consommation logement et cadre de vie. Ainsi, un locataire en CDD perdra non seulement son boulot, mais aussi son logement », craint-il.
Percée des locations touristiques
Au ministère, on explique que le public-cible reste le même, c’est-à-dire les jeunes, mais sans exclusive, semblant ignorer le risque que, en zone tendue, les bailleurs soient tentés de choisir systématiquement la courte durée et la souplesse, comme le montre l’évolution du parc locatif. En janvier 2016, une étude de l’Inspection générale des finances montrait que la part des meublés ne cessait de croître, au détriment des logements nus loués pour trois ans. A cela, il faut ajouter la percée foudroyante des locations touristiques, dont les loyers sont astronomiques. Un même bailleur pourrait ainsi louer en bail mobilité à un étudiant, d’octobre à juin, puis le faire décamper pour louer à des touristes durant l’été.
Côté bailleurs, on se réjouit. « Le gouvernement a repris une de nos propositions, très attendue par nos adhérents, allant jusqu’à baisser la durée minimale de trois à un mois », se félicite ainsi Pierre Hautus, directeur général de l’Union nationale de la propriété immobilière.
La colère des représentants des locataires aurait pu en rester là. Mais non : le projet de texte prévoit, en contradiction avec l’idée même de mobilité, que le locataire, même s’il part en cours de bail, est redevable du loyer jusqu’à son terme : « Nous avons découvert ce piège en lisant le projet, le 9 novembre », s’étonne M. Mano. « C’est une erreur de l’administration », soutient le ministère, qui promet de retirer cette contrainte.