« LE MONDE »

« L’Ile mystérieuse. Tome I : Les Naufragés de l’air », de Jules Verne, Le Monde, 240 p., 10 €. En kiosque.

Tant elle abonde dans Les Voyages extraordinaires, on a envie d’écrire que, chez Verne, tout n’est qu’île, tend à l’île. Du gravillon terrestre égaré dans le Pacifique à la Sicile ou à Zanzibar, qu’elle soit préhistorique (Voyage au centre de la Terre, 1864) ou artificielle et motorisée (L’Île à ­hélice, 1895), fragment de banquise canadienne (Le Pays des fourrures, 1873) ou semis d’îles grecques ­ (L’Archipel en feu, 1884), écossaises ou amazoniennes, lieu de robinsonnade (L’Oncle Robinson, inachevé, 1869-1870 ; Cherche-Midi, 1991), d’exil (Les ­Enfants du capitaine Grant, 1868) ou repaire de pirates (Face au drapeau, 1896), le récit vernien ­s’organise autour de cette entité ­géographique réelle ou fictive.

Mais celle qui, au sein de cet atlas insulaire, incarne l’île absolue est une île imaginaire, de « l’étendue de Malte ou de Zante », dont la forme évoque « quelque fantastique animal » : l’île Lincoln, principal décor de L’Ile mystérieuse, l’un des plus longs romans verniens.

Conçu en trois parties, dont la première, Les Naufragés de l’air, paraît en 1874, L’Ile mystérieuse s’ouvre, en 1865, pendant la guerre de Sécession, sur la vision de Richmond (Virginie) assiégée d’où parviennent à fuir en ballon un groupe de nordistes fait prisonniers par les confédérés. Dans la nacelle figurent l’ingénieur Cyrus Smith, le journaliste ­Gédéon Spilett, Nab, le domestique noir, Pencroff, un marin, et son protégé le jeune Harbert Brown. Sans oublier le chien, Top.

Réinventer le feu

Happé par un ouragan d’une violence extrême, ils se retrouvent jetés, ballon en lambeaux, sur une île déserte et inconnue où ils vont devoir, pour survivre, ni plus ni moins recréer la civilisation. Après un passage effrayant par le sas redoutable de l’ouragan, les héros du roman sont donc mis en position quasi antéhistorique, contraints de réinventer le feu, la forge, l’outillage, de refonder l’agriculture et l’élevage, se faisant cartographes, chimistes et architectes.

Mais tout monde a son démiurge et un mystérieux bienfaiteur se manifeste, sans se montrer pour autant, qui les sort de maintes difficultés et de quelques dangers fatals…

A la fois évocation historique et exaltation de l’aventure insulaire, Les Naufragés de l’air et les deux autres volets à venir de L’Ile mystérieuse sont avant tout une grande méditation sur l’homme, son ­devenir et l’Histoire.

« Le Monde » présente les « Voyages extraordinaires » de Jules Verne dans la collection Hetzel, sur le Net et sur YouTube