Au Sénat, la droite attend le projet de budget de pied ferme
Au Sénat, la droite attend le projet de budget de pied ferme
Par Benoît Floc'h
Les Sénateurs Les Républicains sont insatisfaits du projet de budget pour 2018, qui doit être examiné en séance à partir du 23 novembre. Ils comptent bien présenter des amendements pour le modifier.
L'hémicycle du Sénat français, au sein du Palais du Luxembourg. / Romain Vincens / (CC BY-SA 3.0)
Bruno Retailleau n’a, d’entrée de jeu, pas mâché ses mots : « Pas de vraie transformation, pas de révolution, beaucoup de continuité et des remèdes qui, s’ils peuvent aller dans le bon sens, ne sont pas à la hauteur de l’état de la France », a déploré le président du groupe Les Républicains (LR) du Sénat, lors d’une conférence de presse, mercredi 15 novembre. Bref, les sénateurs de droite attendent de pied ferme le projet de budget pour 2018, qui doit être examiné en séance à partir du 23 novembre.
S’ils approuvent les mesures en faveur des entreprises, ils reprochent au gouvernement de vouloir dépenser trop, et de dépenser mal. Trop, parce que, estime Bruno Retailleau, la France n’assainit pas suffisamment vite ses finances publiques : « La dépense publique augmente, le déficit aussi et la dette va bientôt passer le cap fatidique des 100 % de PIB », déplore-t-il.
De ce point de vue, les éléments du projet de loi de finances rectificative, présenté mercredi 15 novembre en conseil des ministres, n’ont pas échappé aux sénateurs. « Le gouvernement va toucher un milliard d’euros de TVA supplémentaire, rappelle Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Nous ne voudrions pas que cela fasse oublier la nécessité de faire des réformes structurelles. Tous les pays européens sont engagés dans la réduction de leur dette. Le seul qui maintient la sienne, c’est la France. »
Autres « oubliés », les retraités
Les sénateurs de droite considèrent également que le gouvernement Philippe dépense mal. « Sur l’investissement, il y a beaucoup de choses, concède M. Montgolfier. Mais aucune mesure n’est prévue sur l’impôt sur les revenus et les familles. Il faut relever le plafond du quotient familial. » Ce qui ne passe pas, c’est « la remise en cause de l’universalité des allocations familiales ». En réalité, depuis 2015, toutes les familles peuvent toujours toucher ces allocations, mais elles sont modulées en fonction des revenus.
Autres « oubliés », les retraités. « Ils sont les principales victimes, assure Alain Milon, président de la Commission des affaires sociales. Car ils ne bénéficieront pas de compensation de la hausse de la CSG par rapport aux autres Français. Ils participeront ainsi à hauteur de 4 milliards d’euros au financement de la Sécurité sociale. Nous proposons de supprimer la hausse de la CSG pour les retraités. »
Deux secteurs ont également particulièrement retenu l’attention des sénateurs. Le logement, d’abord. « L’ensemble des mesures fiscales fait de l’immobilier le parent pauvre du projet de loi de finances, dénonce M. de Montgolfier. Or, ce secteur représente 18 % du PIB et 7 % des emplois. Si les investisseurs se détournent, nous assisterons à une grave crise du logement. » Dans la ligne de mire des sénateurs, la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière, bien sûr.
Mais aussi la taxe d’habitation, dont 80 % de ceux qui la paient devraient être exemptés d’ici à la fin du quinquennat. Les Républicains ont calculé que, dans 7 300 communes, il y aurait dorénavant moins de cinq contribuables acquittant cet impôt ; et dans 500 communes, un seul… Avec cette réforme, « on ajoute de l’injustice à l’injustice », plaide Bruno Retailleau. Car, dans les communes riches, de nombreux ménages continueront à acquitter la taxe d’habitation, alors que dans les villes pauvres, le nombre de foyers qui ne la paieront plus sera très élevé. Les sénateurs proposent donc de reporter cette mesure d’un an, ce qui permettrait à l’Etat d’engranger 3 milliards d’euros.
« Huit milliards sont nécessaires »
Les sénateurs ont également dénoncé le fait que l’assurance maladie soit de plus en plus financée par l’impôt et moins par les cotisations sociales. « On accroît ainsi le contrôle budgétaire de la Sécurité sociale par Bercy et non plus par les organismes paritaires », note M. Milon. Lequel déplore que l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), c’est-à-dire le montant de dépenses de soin à ne pas dépasser, ne soit que de 4 milliards d’euros en 2018. « Or, 8 milliards sont nécessaires, dit-il. On demande donc un effort de 4 milliards centré sur les hôpitaux, qui sont déjà au bord du gouffre et du burn-out. »
Sur tous ces sujets, la droite sénatoriale se défend de tout rejeter. « Quand c’est mal, on le dit, indique M. Retailleau. Mais, à chaque fois, on propose. Nous ne sommes pas dans une attitude d’obstruction. » Par exemple, sur la taxe d’habitation, « nous disons “la réforme est prématurée. Travaillons-y et proposons une autre réforme d’ici un an” », confie M. de Montgolfier. « L’an dernier, rappelle le sénateur, nous avons rejeté le projet de budget en bloc pour des raisons de sincérité. Et nous avions raison. Cette année, il y a un vrai effort de sincérité. Il y a des choses bonnes, qu’on avait proposées et des choses à améliorer. »