C’est une étape importante vers une Europe « qui protège », et une des priorités du président français, Emmanuel Macron. Les députés européens devraient valider, mercredi 15 novembre, en séance plénière du Parlement de Strasbourg, la nouvelle méthodologie européenne en matière de dumping économique. Il ne manquera plus qu’une validation formelle au Conseil (les Etats membres) pour que cette nouvelle réglementation entre en vigueur.

Ce texte européen est la réponse de l’Union au changement de statut de la Chine au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), acté à la mi-décembre 2016. A cette date, le pays sortait d’une catégorie bien particulière de pays à économies considérées comme administrées, dans laquelle il avait été classé lors de son accession à l’organisation multilatérale, en 2001.

Dispositif complexe

Ce changement de catégorie risquait d’avoir pour conséquence de rendre les enquêtes contre le dumping à l’égard de Pékin beaucoup plus laborieuses. La Chine militait en tout cas pour obtenir le « statut d’économie de marché », qui aurait mis l’Europe dans une position de faiblesse, d’autant plus dommageable qu’elle était submergée par les surproductions chinoises à bas coût – notamment dans l’acier.

Pour préserver au mieux les moyens de défense européens, la Commission européenne a donc imaginé, à la mi-2016, un dispositif particulièrement complexe censé permettre aux industriels de l’Union européenne (UE), et à ses propres services d’inspecteurs, de continuer à diligenter des enquêtes antidumping contre la Chine sans trop de difficultés.

Pour prouver le dumping (vente à un prix inférieur au coût de revient), ils devraient pouvoir s’appuyer sur des rapports qu’elle établira elle-même faisant état des prix à la production, des salaires, etc., dans les Etats tiers importateurs. C’est ce dispositif, appelé « Nomad » par les spécialistes bruxellois, qui devait être adopté par le Parlement de Strasbourg.

Inquiétudes sur les moyens dont dispose Bruxelles

Bruxelles pressait l’adoption de ce texte. La Chine a en effet attaqué l’UE à l’OMC au motif qu’elle n’avait pas adapté à temps sa législation à son changement de statut survenu à la fin de 2016. Il s’agissait d’avoir mis à jour les textes européens avant que le verdict de l’OMC ne tombe : l’organisation devrait donner raison à Pékin dans les semaines qui viennent, mais sans conséquence tangible pour l’Union, puisqu’elle se sera entre-temps mise en conformité.

« Le Parlement européen a marqué des points. Sans la pression qu’on a exercée l’an dernier, la Commission aurait accordé le statut d’économie de marché à la Chine », assure Franck Proust, chef de la délégation Les Républicains à Strasbourg, et membre de la commission commerce de l’hémicycle strasbourgeois. Le premier rapport de Bruxelles portera logiquement sur la Chine, première cible des enquêtes antidumping de l’Union.

L’élu s’inquiète cependant des moyens dont disposera Bruxelles pour établir ses rapports pays par pays : les équipes au sein de la puissance direction générale au commerce, sous l’autorité de la commissaire suédoise, Cecilia Malmström, sont déjà très sollicitées. « On pourrait redéployer les personnes qui travaillaient sur le Tafta, l’accord commercial avec les Etats-Unis [au point mort] », suggère M. Proust.

Fortes différences de vue

Avec ce texte adopté à Strasbourg, l’Union prouve qu’elle est sortie de l’apathie qui la caractérisait ces dernières années face aux appétits industriels chinois. Pour autant, de fortes différences de vue persistent entre les pays européens. Sur la stratégie à adopter vis-à-vis de Pékin, et plus largement face à la mondialisation.

Certains sont culturellement beaucoup plus ouverts au libre-échange (Danemark, Suède, Pays-Bas, Finlande) ; d’autres, très touchés par la crise, n’ont pas du tout envie de décourager les investissements, notamment chinois (Portugal, Grèce, Bulgarie…).

Les discussions entre capitales sont particulièrement laborieuses concernant une autre loi européenne, pourtant en discussion depuis maintenant quatre ans : la « modernisation des instruments de défense commerciale ».

Très proche de Nomad, cette directive veut rendre les mesures antidumping de l’Union plus dissuasives : assorties de taxes à l’importation beaucoup plus importantes que les 30 à 40 % que Bruxelles impose actuellement quand un cas de dumping est avéré.

Par ailleurs, les capitales ne se sont toujours pas saisies sérieusement de la proposition d’Emmanuel Macron, reprise par la commission, d’un mécanisme européen de surveillance des rachats d’actifs européens par des Fonds ou des entreprises d’Etats tiers…