« Ce week-end, c’est la coalition ET la chancelière qui sont en jeu », estime le quotidien Bild, le plus lu d’Allemagne, « si elle échoue, elle pourrait entrer très vite en zone de turbulences ». / JOHN MACDOUGALL / AFP

Journée décisive pour Angela Merkel. La chancelière allemande se lance, dimanche 19 novembre, dans une ultime tentative pour former un gouvernement et éviter à son pays et à l’Europe une phase d’instabilité, synonyme aussi pour elle de fin de carrière politique.

Au pouvoir depuis 12 ans, la chancelière et son camp conservateur ont certes remporté fin septembre les élections législatives. Mais ce résultat a été acquis avec leur pire score depuis 1949 du fait de la percée de l’extrême droite de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui surfe sur le mécontentement d’une partie de l’opinion suite l’arrivée de plus d’un million de demandeurs d’asile.

Conséquence : Angela Merkel a toute les peines à trouver une majorité à la chambre des députés, où les sociaux-démocrates ont décidé de ne plus gouverner avec elle après avoir été laminés aux élections et se préparent à une cure d’opposition.

Négociations tendues

Elle mène depuis plus d’un mois des négociations très difficiles en vue de former une coalition, sur le papier contre nature, avec les Libéraux du FDP et les Verts. Un attelage encore jamais expérimenté au niveau national en Allemagne.

Dimanche, ce qui se profile comme la réunion de la dernière chance débutera à 11 heures et doit s’achever dans la soirée, avec possibilité de prolongation dans la nuit. Une première date-butoir est passée jeudi soir sans résultat.

Politique migratoire, environnement, priorités fiscales, Europe : les sujets de discorde sont nombreux. « Nous sommes tous persuadés qu’une décision doit tomber dimanche, nous avons eu assez de temps pour explorer le terrain », a dit samedi l’un des proches de la chancelière, Volker Kauder, après une énième session de négociations qui s’est achevée sans avancée notable.

« Un échec signerait sa fin »

Faute de compromis, l’Allemagne devra sans doute retourner aux urnes début 2018. Des élections qui se feraient très probablement sans Angela Merkel à la tête du parti démocrate-chrétien (CDU) tant son sort est lié au succès des tractations en cours.

« Elle a tout intérêt à ce que ce gouvernement voie le jour, car un échec signerait aussi sa fin » politique, juge Frank Deker, politologue de l’université de Bonn, sur la chaîne de télévision parlementaire allemande, Phoenix.

Angela Merkel est déjà fragilisée au sein de sa famille politique depuis sa mauvaise performance aux dernières législatives. Son cap centriste et sa décision d’ouvrir les frontières du pays en 2015 à des centaines de milliers de migrants restent très controversés au sein de la CDU, et surtout de son allié bavarois très conservateur, la CSU, qui réclame un virage à droite.

« Ce week-end, c’est la coalition ET la chancelière qui sont en jeu », estime le quotidien Bild, le plus lu d’Allemagne, « si elle échoue, elle pourrait entrer très vite en zone de turbulences ». Selon un sondage publié dimanche par le journal Die Welt, 61,4% des Allemands ne pensent pas qu’elle pourra se maintenir en poste en cas d’échec.

La politique migratoire, pomme de discorde

Alexander Dobrindt, l’un des dirigeants de la CSU, qui s’écharpe avec les Verts sur la question de l’immigration: « La question est de savoir si on veut favoriser encore l’expansion de l’extrême droite dans le pays », s’est-il énervé. / HANNIBAL HANSCHKE / REUTERS

Principale pierre d’achoppement : la politique migratoire en Allemagne, sujet de discorde majeur depuis l’arrivée d’un nombre record de demandeurs d’asile.

Les écologistes demandent que reprennent les regroupements familiaux pour les réfugiés ne bénéficiant que d’un statut temporaire. Ils sont actuellement gelés. Ce que refuse catégoriquement la CSU. « La question est de savoir si on veut favoriser encore l’expansion de l’extrême droite dans le pays », s’est énervé un de ses dirigeants, Alexander Dobrindt.

Les Verts jugent en outre les efforts de lutte contre la pollution (automobile et charbon) insuffisants, tandis que les Libéraux réclament davantage de baisses d’impôts. « Il nous reste une montagne de sujets à trancher », a admis samedi soir le patron de la CSU, Horst Seehofer.