Laurent Wauquiez, candidat à la présidence du parti Les Républicains, salue ses sympathisants avant le début d'un meeting, le 20 novembre à Paris. / OLIVIER LABAN-MATTEI / MYOP POUR LE MONDE

Les tranchées sont creusées, et la guerre de position s’accentue entre le Front national et Laurent Wauquiez. Et chacun, chaque jour, d’avancer ou reculer de quelques mètres dans le No man’s land qui les sépare, au gré des électeurs à conquérir. « Je veux parler à ceux que nous avons déçus et qui sont allés voter pour le Front national », a lancé le candidat à la présidence du parti Les Républicains (LR), lundi 20 novembre à Paris, s’attardant plus qu’à l’accoutumée sur le parti d’extrême droite. « Je le dis une bonne fois pour toutes, tant que je m’occuperai de notre famille Les Républicains, il n’y aura jamais d’alliance avec Marine le Pen. » Fin de non-recevoir du favori de la course LR à la présidente du FN.

Un sermon habituel pour Laurent Wauquiez, mais d’autant plus attendu au lendemain de la main tendue par Marine Le Pen. Celle-ci l’avait en effet invité à « sortir de l’ambiguïté », dimanche, lors du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, et, « s’il est sincère (…), à proposer une alliance politique » au FN. En deuxième ligne, le vice-président du FN et compagnon de Mme Le Pen, Louis Aliot, a tiré une nouvelle salve dès lundi matin sur BFMTV, s’estimant prêt à « bâtir des majorités communes pour les municipales » avec Les Républicains et assénant qu’entre le programme frontiste et celui de Laurent Wauquiez, « il y a des choses qui convergent ».

Quelques heures plus tard, au cours de son meeting parisien, M. Wauquiez a donc poussé un peu plus loin son raisonnement traditionnel. « Marine Le Pen s’est perdue parce que quelque chose s’est cassé lors du débat du second tour de la présidentielle ; les Français ont tout simplement compris qu’elle n’était pas à la hauteur », a estimé le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Devant de jeunes élus alignés derrière lui, M. Wauquiez a une nouvelle fois expliqué qu’il voulait reconquérir les électeurs de droite partis au FN car « il n’y a pas 35 % de fascistes et d’extrémistes en France ».

« Je veux leur dire qu’une nouvelle droite est en train d’émerger. »

« Marine le Pen est désespérée »

Un parfait résumé de sa stratégie. Laurent Wauquiez est en effet persuadé qu’il peut rééditer avec Marine Le Pen ce que Nicolas Sarkozy avait réussi à faire avec son père, Jean-Marie Le Pen, entre 2004 et 2007 : siphonner son électorat en tenant un discours ferme sur l’identité et l’immigration. Depuis le débat du second tour face à Emmanuel Macron, le candidat et ses soutiens issus du sarkozysme – Brice Hortefeux, Eric Ciotti, Guillaume Larrivé, etc. – sont persuadés de l’opportunité à saisir. D’autant plus qu’à court terme, cet électorat de droite dure semble plus facile à reconquérir que la droite modérée qui, selon les sondages, soutient pour le moment l’action économique du président Macron.

Si Laurent Wauquiez tente, en écartant tout accord avec le FN, de maintenir la digue qui sépare la droite traditionnelle du parti d’extrême droite, la proposition de Marine Le Pen est tout de même venue saler la plaie béante des Républicains, divisés entre ailes droitière et modérée. M. Wauquiez, ancien chantre de la droite sociale devenu incarnation de la ligne identitaire, est ainsi critiqué par les plus modérés : Valérie Pécresse l’accusant clairement de flirter avec le FN ; d’autres menaçant de quitter le navire LR si l’aile droite du parti en tenait le gouvernail. Les soutiens d’Alain Juppé – du moins ceux qui n’ont pas rejoint La République en marche – se sont notamment donnés jusqu’au début de l’année prochaine pour se décider, soit peu après l’élection du nouveau président du parti, les 10 et 17 décembre.

Plus qu’un piège tendu, la déclaration de Mme Le Pen a plutôt été considérée par les lieutenants de M. Wauquiez comme un « cadeau », selon un de ses proches. « En proposant une alliance, elle dit à ses électeurs qu’il est possible de voter pour Wauquiez. Elle crée un appel d’air », analyse un membre de l’équipe de campagne. « Je veux m’adresser à tous ceux qui ont compris que le FN était une impasse, une machine à casser les espoirs », confie quant à lui le candidat, qui appuie ainsi sur le réflexe de vote utile en rappelant que les scores du FN en 2012 et 2017 avaient abouti aux élections de François Hollande et d’Emmanuel Macron.

« Je veux m’adresser à tous ceux qui ont compris que le FN était une impasse, une machine à casser les espoirs »
Laurent Wauquiez

Dans cette guerre des droites, Marine Le Pen a pris le risque de tendre le bâton de sa propre marginalisation, en s’exposant au refus de tout rapprochement avec son parti. Et la garde de Laurent Wauquiez ne manque pas l’occasion de lui rappeler. Pour Geoffroy Didier, le directeur de campagne du candidat, « Marine le Pen est tellement désespérée qu’elle essaye de faire croire que Laurent Wauquiez voudrait faire alliance avec elle ». « Ça fait des centaines de fois qu’il répète qu’il n’y aura jamais d’alliance. Marine Le Pen est de moins en moins écoutée car elle est de moins en moins crédible. » Les ex-frontistes récemment divorcés ne cachent pas, eux non plus, leurs grincements. A l’image du tweet de la députée européenne philippotiste Sophie Montel, quelques minutes après que Laurent Wauquiez a repoussé Marine Le Pen : « Hop ! Hop ! Hop ! Nouveau flop ! »