L’Ile-de-France souhaite que les start-up se saisissent des données régionales disponibles en open data, pour concevoir de nouveaux « services intelligents ». Ici les  locaux de l’entreprise parisienne Dataiku, qui modélise des données. / IAU IF

Valérie Pécresse affiche son ambition de faire de l’Ile-de-France une « smart région », et même la première smart région d’Europe. La présidente (LR) de la région capitale, qui devait présenter mardi 21 novembre une stratégie à cette fin, se dit convaincue que « le numérique peut être un puissant levier de transformation de la vie quotidienne ». Et ce faisant, « d’attractivité du territoire régional ».

L’objectif de ce programme Smart Région initiative (2018-2021) est non seulement d’offrir le très haut débit à toute la population francilienne, mais de développer de nouveaux services numériques à même d’impulser un nouveau style de vie. « C’est l’anti-métro-boulot-dodo. La smart région, c’est une région où l’on gagne du temps dans ses déplacements ; où l’on peut travailler n’importe où, n’importe quand ; où l’on se forme à distance ; où l’on consomme près de chez soi… », défend Valérie Pécresse.

La région va déjà investir entre 2018 et 2021, 40 millions d’euros pour accélérer le déploiement de la fibre optique en tout point du territoire. Car, si compte tenu d’une densité relativement élevée – laquelle joue en faveur de la rentabilité des réseaux –, les développements du très haut débit en Ile-de-France sont déjà bien avancés, d’importantes inégalités subsistent.

Déploiements de la fibre optique en Ile-de-France / IAU IF

A Paris, près de 100 % des foyers et locaux d’activités ont potentiellement accès à une connexion à très haut débit (débit supérieur ou égal à 100 Mbits/s). Dans les Hauts-de-Seine, le pourcentage reste élevé, avec 92 %, mais il n’est que de 62 % en Seine-Saint-Denis. En grande couronne, dans les Yvelines, le taux de couverture atteint près de 54 %, tandis que dans le Val-d’Oise, dans l’Essonne et en Seine-et-Marne, il se situe entre 33 et 35 %. L’objectif est donc que tout le territoire régional soit équipé en très haut débit d’ici fin 2021, à l’exception du département de Seine-et-Marne, qui le sera, quant à lui, en 2023, soit néanmoins trois ans avant la date initialement envisagée.

Faire de l’open data un moteur de l’innovation

Décidée à faire de l’open data un moteur de l’innovation, l’Ile-de-France va en parallèle mettre en place une plate-forme de données 3D. Un appel d’offres va être lancé en décembre à cette fin, avec pour objectif de sélectionner un consortium d’entreprises pour la mi-2018.

Cette plate-forme aura pour rôle d’agréger les données publiques et privées dans les différents champs de compétence de la région, de les modéliser et les sécuriser pour les diffuser et les partager. Et, ce faisant, favoriser le développement de « services intelligents » visant à enrichir l’information et la qualité de service proposées aux Franciliens, aux entreprises et aux collectivités territoriales.

« Il existe déjà au sein de la région de nombreuses applications, mais la plupart ont néanmoins une audience sur des périmètres restreints : aujourd’hui, il faut passer par plusieurs sites pour trouver des informations utiles. Mettre en place, à l’échelle régionale, des plates-formes collaboratives qui favorisent une mutualisation des données permet de dépasser l’offre en silos pour offrir des solutions plus adaptées, davantage centrées sur les besoins des publics », souligne l’économiste Vincent Gollain, de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de l’Ile-de-France (IAU IdF), qui publie pour l’occasion un Cahier sur la smart région.

Cette révolution numérique est déjà bien engagée dans le domaine des transports. Dès 2016, Ile-de-France Mobilités (ex STIF) s’est lancé dans le développement d’une plate-forme open data, qui depuis mars dernier donne accès en libre-service aux données des transports en commun franciliens et propose un calculateur d’itinéraire, Vianavigo. Prenant en compte, en temps réel et de façon prédictive, les différents modes de déplacement, celui-ci intègre aussi désormais le vélo et le covoiturage. D’ici peu, il proposera même des parcours adaptés aux personnes à mobilité réduite.

Retenir les touristes étrangers un peu plus longtemps

La région a aussi commencé à travailler avec l’ensemble des départements et des intercommunalités, pour créer un site touristique qui devrait voir le jour en mars 2018. Il permettra, sur une seule et même application, de tout réserver et régler, hôtels, visites de musées, de monuments, citypass… et recommandera des parcours touristiques thématisés.

« Le touriste étranger qui arrive à Roissy tape sur Internet Versailles, Paris, Disneyland, mais non Vaux-le-Vicomte ni même Seine-et-Marne, et encore moins la Maison de Louis-Braille, maison pourtant classée monument historique à 10 minutes de Disney. Fontainebleau, classé au patrimoine de l’Unesco, n’accueille pas plus de 500 000 visiteurs par an, dont près de 80 % sont Français, relève Valérie Pécresse. Aujourd’hui, les touristes sont aujourd’hui à la recherche d’expériences uniques. Si nous arrivons à les garder un peu plus, et qu’ils dépensent un peu plus, cela créera des emplois », insiste-t-elle.

La région veut aussi valoriser ses pôles de recherches et son tissu d’entreprises du secteur numérique, lequel compte de grands groupes, des PME, mais aussi plus de 10 000 start-up et de nombreux micro-entrepreneurs. A l’attention des entreprises et des professionnels, elle envisage ainsi de développer une application web qui recensera l’ensemble des tiers-lieux existants dans la région et informera sur les places disponibles, mais aussi sur les projets innovants et collaboratifs. Ou encore un site qui cartographiera la R&D francilienne, les lieux d’innovation et les start-up. Déjà, dès février 2018, un « portail d’orientation » proposera, grâce à une solution big data développée avec Adecco Analytics, des données précises et en temps réel sur les débouchés professionnels et les formations initiales et continues y conduisant.

La futur plate-forme de données 3 D devra également apporter aux collectivités des outils de pilotage, qui grâce aux apports du big data et à la modélisation en 3 D, permettront, par exemple, de recenser les zones d’activités économiques, d’y simuler des aménagements, de faire visiter et vendre sur Internet des parcelles disponibles…

En 2018, 5 millions d’euros vont être consacrés au développement de la plate-forme et de nouveaux services. « Le champ des possibles est grand. La plate-forme 3D doit permettre aux start-up de se saisir des données proposées open data pour créer de la valeur », insiste Valérie Pécresse qui entend organiser, sur des thématiques données, des « rendez-vous de la smart région » pour favoriser la créativité, en regroupant agents de la région, usagers, start-up, et designers.

En annonçant maintenant un tel plan, la présidente de l’Ile-de-France confirme de toute évidence sa volonté d’inscrire la région dans une démarche de métropole. Cet agenda n’est pas étranger à celui d’Emmanuel Macron, qui le 14 décembre prochain, à l’occasion de la deuxième conférence nationale des territoires, doit donner son arbitrage à propos du périmètre du Grand Paris.