En Allemagne, entre chômage et mendicité, il faut choisir
En Allemagne, entre chômage et mendicité, il faut choisir
Par Cécile Boutelet (Berlin, correspondance)
Un habitant de Dortmund se tenant régulièrement dans la rue pour procéder à « une collecte de dons privée », selon une formule de l’administration, a vu le montant de ses allocations réduit de 300 euros.
Un Jobcenter (Pôle emploi) en Allemagne, en 2015. / ROBERTO PFEIL / AFP
Avis aux chanteurs de métro, aux ramasseurs de bouteilles consignées ou autres indigents réduits à la mendicité : l’exercice de ces activités peut être considéré comme du vrai travail en Allemagne. Et donc être pris en compte dans le calcul des allocations-chômage, qui sont normalement dégrevées du montant des gains de toute activité rémunératrice exercée en complément. Tout contrevenant s’exposant bien sûr au risque de devoir rembourser les sommes indues.
Cette leçon, Michael Hansen, 50 ans, et sa chienne Molly ne sont pas prêts de l’oublier. Plusieurs fois par mois, ils s’installaient tous les deux devant un centre commercial de la zone piétonne de Dortmund pour faire appel à la générosité des passants. Pour cet enfant de l’assistance publique, chômeur depuis 2005, la vie n’a pas été tendre. Le minimum social étant bien maigre – 760 euros par mois pour lui et sa femme, en plus du loyer et du chauffage pris en charge par l’Etat – il s’était résolu à cet expédient quand il voulait « se permettre quelque chose de nouveau chez lui ». Jusqu’à ce qu’une employée du Jobcenter (le Pôle emploi allemand) le reconnaisse.
La lettre de l’administration n’a pas tardé. Puisque M. Hansen se tient régulièrement dans la rue pour procéder à « une collecte de dons privée », le montant de ses allocations a été réduit de 300 euros, rapporte la presse locale. Le Jobcenter a motivé cette décision par le calcul suivant : à 10 euros en moyenne par journée de manche, trente jours d’activité par mois devraient environ rapporter cette somme. Pas question que le contribuable allemand verse le moindre centime de plus dans ces conditions.
Heureusement, M. Hansen et Molly ont glané quelques contacts précieux dans la zone piétonne de Dortmund. Une avocate rencontrée sur les pavés, révoltée par cette histoire, a fait appel de la décision, en contestant le gain moyen tiré des activités de mendicité de son client. Ce dernier ne gagnerait en moyenne que 6 euros par jour, et seulement vingt jours par mois. Ce qui fait 120 euros, moins 30 euros au titre de l’exonération pour les dons, soit 90 euros.
Mais M. Hansen n’était pas sorti d’affaire pour autant. Dans une nouvelle lettre, le Jobcenter a exigé qu’il tienne un journal de son activité, avec le décompte exact de ses revenus ainsi qu’une projection pour les douze prochains mois. Il a également été invité à se rendre au bureau du commerce afin de déterminer si son activité relevait du « travail indépendant ».