« Le Bonhomme de neige » : europudding glacé
« Le Bonhomme de neige » : europudding glacé
Par Thomas Sotinel
D’après un roman du Norvégien Jo Nesbo, ce thriller enneigé est réalisé par un Suédois et interprété par des anglophones.
C’est tout petit, la Norvège, comme on la voit dans Le Bonhomme de neige. On dirait qu’il n’y a qu’une unité de police, qu’un inspecteur vraiment efficace, et un seul tueur en série qui sévit dans toutes les régions, à toutes les époques. Quand l’inspecteur Harry Hole prend le train d’Oslo à Bergen, il tombe forcément sur l’un des protagonistes principaux de cette histoire compliquée, adaptée d’un roman de Jo Nesbo.
Cette vision réductrice, au sens le plus strict du terme, est par ailleurs distordue par le parti pris du film : réalisé par un Suédois, Tomas Alfredson, en Norvège, il est interprété en anglais par une distribution dont la diversité – une Franco-Britannique (Charlotte Gainsbourg), une Suédo-Britannique (Rebecca Ferguson), un Germano-Islandais (Michael Fassbender) – donne une nouvelle jeunesse au terme « europudding » (pour faire lever la pâte, on a ajouté une pincée d’Américains : J.K. Simmons, Chloë Sevigny, Val Kilmer).
Piège linguistique
Il a fallu toute l’énergie et la virtuosité de David Fincher pour que l’on croie au passeport suédois de Daniel Craig dans Millenium. Réalisateur talentueux (entre autre du fantastique Morse, l’un des plus beaux films de vampires de ce siècle), Tomas Alfredson n’est pas assez rapide pour se sortir du piège linguistique. D’autant que l’intrigue du roman de Nesbo, qui mélange politiciens corrompus et pervers, monstre façonné par une enfance martyre et – naturellement – policier rendu alcoolique et misanthrope par le mal qu’il côtoie, demande un intense effort de crédulité, que sape immédiatement le rythme languissant du montage – tout occupé à mettre en valeur les étendues neigeuses.
Plus que les enjeux de ce scénario – le politicien corrompu et libidineux qu’incarne J.K. Simmons décrochera-t-il l’attribution des JO d’hiver à Oslo ? La détective Bratt (Rebecca Ferguson) est-elle bien la fille de son père (Val Kilmer) ? L’inspecteur Harry Hole (Michael Fassbender) va-t-il laisser tomber la vodka ? –, qui laissent vite indifférent, on s’attachera, si on a fait l’erreur de commencer à voir ce film, à recenser le gâchis de talents : comment un acteur aussi excitant que celui de Fish Tank ou de Shame a pu devenir aussi ennuyeux que le Michael Fassbender qui incarne Harry Hole ? Charlotte Gainsbourg en a-t-elle assez de jouer la sophistiquée de service ? Que dit ce faux pas de Tomas Alfredson de l’opinion dans laquelle les Suédois tiennent les Norvégiens ? Toutes questions qu’on peut ne pas se poser, et lire, si l’on veut entrevoir le pays sans attraper froid, un ou deux tomes de l’autobiographie de Karol Ove Knausgaard.
LE BONHOMME DE NEIGE / Bande-annonce officielle 2 VF [Au cinéma le 29 novembre]
Durée : 02:44
Film britannique, norvégien et suédois de Tomas Alfredson. Avec Michael Fassbender, Rebecca Ferguson, Charlotte Gainsbourg, Val Kilmer (1h59). Sur le Web : www.thesnowmanmovie.com et www.universalpictures.fr/film/le-bonhomme-de-neige