Pendant son homélie, le souverain pontife a également voulu « offrir quelques paroles d’espérance ». / ROBERTO SCHMIDT / AFP

De l’image, mais presque pas de son. Lorsque la papamobile de François arrive au Kyaikkasan Ground de Rangoun, le grand terrain de sport où le chef de l’Eglise catholique doit célébrer la messe, dans la matinée du mercredi 29 novembre, un silence inhabituel l’accueille. Les quelque 150 000 catholiques birmans (selon les autorités locales) qui ont parfois voyagé de nombreuses heures et à grands frais, compte tenu de la pauvreté de beaucoup, pour venir à sa rencontre de tout le Myanmar, sont pourtant heureux de le voir sillonner le terrain et les saluer. Certains ont passé la nuit sur place, d’autres dans des églises. Mais s’ils agitent des drapeaux du Vatican, ils ne s’autorisent pas pour autant à l’acclamer, comme c’est le cas dans tous les autres pays que visite le pape argentin.

Au troisième jour de la visite de François en Birmanie, la réserve et la discipline de cette foule encadrée par de nombreux volontaires qui ont pour consigne de ne pas répondre aux journalistes frappent, dans ce pays qui sort avec difficulté de cinquante ans de dictature militaire, où les catholiques constituent une toute petite minorité religieuse (environ 700 000 sur 52 millions d’habitants, très majoritairement bouddhistes), issue pour l’essentiel de minorités ethniques.

Des participants préfèrent taire leur nom, même s’ils acceptent de témoigner, tel cet habitant de Mandalay, dans le centre du pays, venu avec les trois générations de sa famille. « Pour nous, cette visite veut dire beaucoup, car c’est la première fois qu’un pape vient au Myanmar », explique-t-il.

« Notre pays est dans une situation difficile, avec une grosse pression internationale. Nous avons eu une longue guerre civile, et la paix n’est pas encore stable. Nous avons une constitution, mais le gouvernement n’a pas encore vraiment la main sur l’armée. Il est important que le pape ait rencontré le gouvernement hier. »

« La paix et la réconciliation »

La première messe de François dans ce voyage en Asie, qui le conduira à partir de jeudi au Bangladesh, a été à l’image de cette église du Myanmar, organisée avec peu de moyens mais dite dans un grand recueillement. Le pape François a semblé voir dans ces fidèles et leurs pasteurs une église selon son cœur, à savoir « pauvre pour les pauvres », selon l’expression utilisée dès le début de son pontificat, et « en mission », c’est-à-dire qui s’emploie à annoncer l’évangile, quelle que soit l’adversité.

Il le leur a dit dans son homélie, consacrée en grande partie à leur « offrir quelques paroles d’espérance et de consolation ». « Au milieu d’une grande pauvreté et de difficultés, leur a-t-il dit, beaucoup parmi vous offrent concrètement assistance et solidarité aux pauvres et à ceux qui souffrent. (…) L’Eglise, dans ce pays, aide un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants sans distinction de religion ou de provenance ethnique. »

Pendant la dictature (1962-2011), beaucoup de minorités ethniques auxquelles appartiennent les catholiques ont subi la répression du pouvoir central. / LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Le pontife argentin a aussi incité les catholiques birmans, dont « beaucoup portent les blessures de la violence », à renoncer « à la colère et à la vengeance ». Pendant la dictature (1962-2011), beaucoup de minorités ethniques auxquels appartiennent les catholiques, ont subi la répression du pouvoir central, en réponse à leurs demandes d’une plus grande autonomie. C’est ainsi que dans l’Etat Kachin, à grosse composante chrétienne et où les combats ont repris en 2011, après dix-sept ans de cessez-le-feu entre l’Etat central et la guérilla KIA, des exactions continuent de se produire. Dans cet Etat du nord du pays, environ 100 000 personnes vivent dans des camps de déplacés.

La veille, le chef de l’Eglise catholique avait demandé aux autorités birmanes de construire « la paix et la réconciliation nationale » par « l’engagement pour la justice et le respect des droits humains ». A l’issue de la célébration, l’archevêque Charles Bo, fait cardinal par François en 2015, lui a assuré que sa visite avait changé « le petit troupeau » des catholiques du pays.