Le yeti n’a rien d’abominable : c’était un ours
Le yeti n’a rien d’abominable : c’était un ours
Par Hervé Morin
Une nouvelle analyse génétique de reliques supposées de la créature mythique du Tibet et de l’Himalaya montre qu’elles proviennent en fait d’espèces locales d’ursidés.
Fémur trouvé dans une grotte au Tibet et attribué au yeti, dont l’analyse génétique a révélé qu’il provenait en fait d’un ours brun tibétain. / ICON FILMS LTD
Le yeti et autres créatures mythiques prisées par les amateurs de cryptozoologie sont décidément menacés par la génétique. En 2014, l’analyse de poils prélevés sur un yeti empaillé du Tibet indien et un échantillon du Bhoutan suggéraient qu’ils avaient pour origine une espèce hybride d’ours polaire et d’ours brun. Des prélèvements supposés venir de Bigfoot, l’équivalent américain du yeti, étaient eux aussi réduits à une collection d’animaux bien ordinaires : un raton-laveur, un mouton, un cerf, un cheval, des ours noirs, des canidés, des vaches… et un humain. Une nouvelle étude ADN, centrée exclusivement sur l’abominable homme des neiges, renvoie elle aussi vers diverses espèces d’ursidés.
Charlotte Lindqvist (Université de Buffalo) et ses collègues décrivent dans les Proceedings of the Royal Society B comment ils ont comparé 12 échantillons d’ours asiatiques à neuf échantillons supposés provenir de yetis. Ceux-ci ont été fournis par Icon Film, une société de production qui avait déjà réalisé en 2016 un documentaire sur la quête du mystérieux primate, dans lequel intervenait Charlotte Lindqvist.
L’Italien Reinhold Messner, considéré comme un des plus grands alpinistes du XXe siècle, a également contribué aux échantillons par le biais du musée qui porte son nom. En 1986, ce dernier a cru avoir croisé une créature anthropomorphe dans le Tibet oriental, et s’est passionné pour l’animal mystérieux, y consacrant même un livre. Il estime désormais que ce qu’il a vu devait être un ours dressé sur ses pattes arrières.
Le mythe s’évanouit
Passés à la moulinette de l’analyse génétique, les poils, os, tissus, dents et fèces confirment cette conclusion peu romanesque. A l’exception d’une dent prélevée sur un animal empaillé du musée Messner, provenant d’un chien, tous les autres échantillons appartenaient à des ursidés. L’abominable homme des neiges, ainsi baptisé en raison de l’odeur pestilentielle qui lui était attribuée par les populations locales, est anéanti.
Poils supposés provenir d’un Yeti du Népal, qui auraient été prélevés dans les anénes 1950 par un jésuite. Fournis par la société de production Icon Films aux chercheurs, ils proviennent en fait d’un ours brun du Tibet. / ICON FILMS LTD
Le mythe s’évanouit, mais la science y gagne : cette étude apporte des éléments nouveaux pour mieux comprendre l’évolution de l’ours en Asie et les relations entre ses différentes sous-espèces. Elle remet en question – comme d’autres travaux auparavant – l’idée qu’une espèce hybride issue du croisement entre ours polaire et ours brun aurait peuplé l’Himalaya, comme l’étude de 2014 en faisait l’hypothèse. L’échantillon en question est de façon « non ambiguë » tiré d’un ours brun himalayen, assurent Charlotte Lindqvist et ses co-auteurs.
Quant à la conclusion générale des chercheurs, elle est sans appel : « Cette étude représente l’analyse la plus rigoureuse à ce jour d’échantillons suspectés de provenir de créatures mythiques ou anormales ressemblant à des hominidés, et suggère fortement que les ours bruns et noirs de la région sont à l’origine de la légende du yeti. »