Gary Lineker, ici à Wimbledon en 2015, est devenu depuis l’arrêt de sa carrière une figure populaire en Grande-Bretagne grâce à son émission hebdomadaire sur la BBC. / JUSTIN TALLIS / AFP

Gary Lineker est l’un des rares footballeurs connus autant pour ses mots que pour ses gestes. « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne », c’est de lui, même si la traduction est imparfaite. Aujourd’hui, l’ancien avant-centre de l’équipe d’Angleterre (48 buts en 80 sélections) continue de faire profiter les Britanniques de ses bons mots, en étant aux commandes depuis dix-huit ans de l’émission phare du football anglais, « Match of the day ».

Vendredi 1er décembre, au palais du Kremlin, c’est lui qui, aux côtés de la journaliste russe Maria Komandnaya, présentera le tirage au sort de la Coupe du monde de football 2018. Quand les Anglais ont appris ça, ils en ont recraché leur tasse de thé : Gary Lineker est connu pour ne pas garder pour lui ses opinions et particulièrement au sujet de la FIFA.

Sa franchise fait sa popularité – 6,78 millions de suiveurs sur Twitter – et son salaire à la BBC, évalué à près de 1,8 million de livres annuelles (2 millions d’euros), ce qui en fait le deuxième salaire de l’audiovisuel public britannique, sans compter ses apparitions sur la chaîne privée BT Sport et son contrat publicitaire avec une marque de chips.

Pendant des années, Lineker a dit son dégoût de la FIFA de Sepp Blatter, la qualifiant « d’organisation révoltante » et ses dirigeants de « clowns » corrompus envoyant le football à sa perte. « Ça donne franchement la nausée d’être impliqué dans le football et de devoir souffrir de cette honte permanente qu’est la fédération internationale », disait-il en 2015 à la BBC après le coup de filet visant certains de ses hauts dirigeants à Zurich.

Il s’était alors réjoui sur Twitter que la FIFA « soit en train d’imploser. La meilleure chose qui puisse arriver au football ».

« Une bonne douche » après avoir fréquenté les élus de la FIFA

Il aurait préféré que la Coupe du monde 2018 se déroule en Angleterre. En 2010, la Fédération anglaise l’avait envoyé à Zurich draguer les votants, sans succès : « On devait être tout gentils et mielleux avec ces gens. Ce n’était pas qui je suis. Je n’aime pas cirer des pompes. (…) Après ça, j’avais le sentiment de devoir prendre une bonne douche. »

Ce « milieu trouble » qu’il décrivait alors, qui a attribué à la Russie la Coupe du monde 2018 dans des conditions qui ne le sont pas moins, il en sera le porte-parole vendredi au Kremlin.

Interpellé sur la question par un journaliste britannique du New York Times, Lineker a répondu qu’il ne cesserait pas pour autant de questionner les décisions de la FIFA.

« Je présente le tirage au sort de la Coupe du monde que j’ai regardée toute ma vie, à laquelle j’ai participé deux fois, dont j’ai été meilleur buteur [en 1986] et que je présenterai sur la BBC pour la sixième fois l’été prochain. J’aimerais juste être encore capable de la disputer. Cela n’en fait pas une approbation [de la] politique [de la FIFA]. »

Plus discret sur Infantino

Depuis que Gianni Infantino a pris la présidence de la FIFA en 2016, Gary Lineker en est devenu moins critique, bien qu’il avait d’abord craint que le Suisse « n’enlève son masque et révèle qu’il est Sepp Blatter ». Il a toutefois reproché à Infantino de « détruire » la Coupe du monde en l’ouvrant à 48 équipes à partir de 2026.

Les preuves d’un changement du mode de gouvernance à la FIFA depuis un an sont pourtant très discrètes. En moins de deux ans, Gianni Infantino a :

  • été blanchi après une enquête du comité d’éthique de la FIFA concernant sa situation contractuelle et ses déplacements en avion privé lors de ses premiers mois au pouvoir ;
  • amendé le règlement de la FIFA de façon à pouvoir destituer les membres des organes juridictionnels, dont le comité d’éthique dit indépendant ;
  • changé les deux coprésidents dudit comité d’éthique, qui s’apprêtaient, respectivement selon le Guardian et le Spiegel, à enquêter sur ses frais de campagne et sur son ingérence présumée lors les élections à la Confédération africaine de football en mars 2017.

« Son style est pire que celui de Blatter, qui avait une certaine élégance dans l’utilisation de son pouvoir », disait au Monde en mai dernier le juriste Mark Pieth, ex-patron du comité de gouvernance de la FIFA. Gary Lineker, qui ne ratait pas un ballon lorsqu’il traînait dans la surface, est peut-être passé à côté du début d’exercice de Gianni Infantino.