Sommet d’Abidjan : les chiffres qu’il faut avoir en tête
Sommet d’Abidjan : les chiffres qu’il faut avoir en tête
Par Pierre Lepidi
L’économie figure parmi les sujets incontournables de la cinquième rencontre entre l’Union africaine et l’Union européenne.
Après sa visite au Burkina Faso, le président Emmanuel Macron poursuit, mercredi 29 novembre, son déplacement en Afrique avec un séjour en Côte d’Ivoire, où il doit assister au cinquième sommet Union africaine-Union européenne. Le chef de l’Etat va aussi profiter de son passage à Abidjan pour poser la première pierre du métro de la capitale économique ivoirienne, un projet pour lequel la France a accordé un prêt de 1,4 milliard d’euros. Il terminera sa tournée africaine au Ghana, jeudi.
Depuis quelques années, la Côte d’Ivoire est le fer de lance économique de la zone franc CFA, un espace d’Afrique subsaharienne où vivent près de 155 millions d’habitants. Cette zone comprend huit pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) appartenant à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et six autres (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Centrafrique et Tchad) relevant de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac). Le quinzième membre est l’archipel des Comores.
Echanges commerciaux : la France loin derrière la Chine
Les échanges commerciaux entre l’Europe et l’ensemble du continent africain s’élevaient à 286 milliards d’euros en 2015, avec une balance commerciale favorable de 22 milliards pour l’Union européenne (UE). Mais la concurrence est de plus en plus forte. Si l’Europe reste le premier partenaire du continent africain en tant qu’ensemble économique, la Chine est son premier partenaire en tant que pays. Selon le ministère chinois du commerce, le volume des échanges avec l’Afrique a atteint 126 milliards d’euros en 2016 (49,87 milliards d’importations et 77,23 milliards d’exportations).
Les échanges commerciaux entre la France et l’Afrique approchaient quant à eux 54 milliards d’euros en 2014 selon l’Insee, avec 27,5 milliards d’euros d’exportations et 26,5 milliards d’importations (soit une balance commerciale légèrement excédentaire pour l’Hexagone). Près de la moitié de ces échanges ont été réalisés avec les pays du Maghreb, et en premier lieu avec l’Algérie, qui a reçu 6,16 milliards d’euros d’exportations françaises, loin devant le Maroc (3,8 milliards) et la Tunisie (3,4 milliards).
« Il y a aujourd’hui une volonté claire des groupes français de rattraper le temps perdu avec l’Afrique francophone subsaharienne, analyse Bruno Messerschmitt, directeur associé et responsable du desk Afrique au sein du cabinet EY. Entre 2010 et 2015, la France a quasiment perdu la moitié de ses parts de marché. Nous conseillons à nos clients d’investir dans plusieurs pays pour mutualiser les risques. Plusieurs d’entre eux développent aujourd’hui des affaires au Mali, alors qu’il y a trois ans, c’était inenvisageable. Actuellement, l’Afrique de l’Ouest attire davantage que l’Afrique centrale, où la plupart des pays sont en difficulté et renégocient leur dette avec le FMI »
Une zone franc CFA plus dynamique à l’ouest
Le franc CFA, qui est fabriqué à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, signifie « franc de la communauté financière africaine » dans l’UEMOA et « franc de la coopération financière en Afrique centrale » dans la Cémac. Il dispose d’une parité fixe avec l’euro. Ce lien avec la monnaie européenne est considéré par de nombreux économistes comme un gage de stabilité. Mais on lui reproche aussi de freiner le développement de l’Afrique, notamment au niveau des PME et des TPE, et de lui faire perdre une part de sa souveraineté.
Selon les données de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) et de la Banque centrale des Comores, la zone franc CFA affiche une croissance économique de 3,6 % en 2016, soit un taux supérieur à celui de l’Afrique subsaharienne, qui a chuté sur la même période à 1,3 %, et à celui de la France (1,1 % en 2016). Au niveau du continent, la croissance est d’environ 5 %.
« En raison de la structure très différente de leurs exportations, l’UEMOA et la Cémac illustrent les évolutions contrastées des pays d’Afrique subsaharienne, écrit la Banque de France dans son rapport annuel 2016. Dans la Cémac, l’activité économique a fortement pâti de la faiblesse des cours des hydrocarbures et des performances médiocres du secteur non pétrolier, globalement affecté par le recul de la demande intérieure. La persistance de tensions sécuritaires, notamment dans la zone frontalière entre le Tchad, le Cameroun et la République centrafricaine, a également pesé sur l’environnement économique. L’activité s’est en revanche accélérée dans l’UEMOA, avec un taux de croissance moyen de 6,7 %. Elle a profité de la bonne tenue de la consommation interne et de la poursuite de vastes programmes d’investissements publics : construction, transports, etc. »
8,8 % de croissance en 2016 : le champion ivoirien
Comme en 2015, les économies ivoirienne et sénégalaise ont enregistré en 2016 les taux de croissance les plus élevés de la zone franc CFA, avec des taux respectifs de 8,8 % et 6,7 %. La Côte d’Ivoire est assurément le moteur économique de l’Afrique de l’Ouest.
« La Côte d’Ivoire est aujourd’hui le marché numéro un, alors qu’il y a dix ans c’était le pire d’Afrique, souligne Bruno Messerschmitt. C’est cette économie qui booste celle des autres pays, et notamment du Sénégal. Nous conseillons à nos clients qui souhaitent investir sur le continent de choisir l’un de ces pays comme porte d’ouverture avant de se tourner vers d’autres, comme le Ghana ou le Nigeria, avec ses 190 millions d’habitants. Ils ne sont pas en zone franc CFA mais constituent une sorte d’eldorado pour tout entrepreneur qui s’intéresse à l’Afrique. »