L’examen de la loi sur la résidence alternée des enfants s’arrête à mi-chemin
L’examen de la loi sur la résidence alternée des enfants s’arrête à mi-chemin
Par Gaëlle Dupont
Le texte suscite une forte opposition parmi les féministes et certains pédopsychiatres.
Des parents et leurs enfants dans une école de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), en 2014. / CHARLES PLATIAU/REUTERS
Les députés ont interrompu, dans la nuit du jeudi 30 novembre au vendredi 1er décembre, à une heure du matin, l’examen d’une proposition de loi du Modem instaurant la double résidence des enfants de parents séparés, après quatre heures de débat, faute de temps suffisant pour examiner la totalité des 43 amendements déposés. Pour poursuivre son parcours parlementaire, le texte devra désormais être inscrit à l’ordre du jour de la prochaine niche parlementaire du Modem prévue le 17 mai 2018, ou être repris par le gouvernement.
Le texte propose que les enfants de parents séparés soient, sauf exception, domiciliés chez leurs deux parents. Cependant, il ne vise pas à imposer la garde alternée. S’il entrait en vigueur, le temps passé chez l’un et l’autre parent ne serait pas forcément égalitaire et resterait fixé par accord entre eux, ou à défaut par le juge aux affaires familiales.
« Intérêt symbolique »
« Il ne peut s’agir de généraliser la garde alternée, de la rendre obligatoire, ni même de l’ériger en modèle, a précisé Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’intérieur Gérard Collomb, qui s’exprimait au nom du gouvernement, la Garde des Sceaux Nicole Belloubet étant en déplacement en Nouvelle-Calédonie. C’est un texte d’équilibre et d’égalité dont l’intérêt est essentiellement symbolique. »
Avant ce début d’examen, la proposition de loi a soulevé de nombreuses oppositions, à la fois de certains pédopsychiatres hostiles à la garde alternée, et d’associations féministes, qui redoutent une perte économique pour les mères privées d’une partie de leur pension alimentaire, et alertent sur les risques d’emprise du conjoint par le biais de la garde partagée en cas de violences conjugales.
Ces points de vue ont été relayés dans l’hémicycle. « Pourquoi imposer un mode de garde que 75 % des parents ne choisissent pas ?, a interrogé le député (Groupe démocrates et républicains, Seine-Saint-Denis) Stéphane Peu. La seule urgence est de garantir le versement des pensions alimentaires. » Au nom des Républicains, Xavier Breton (Ain) a dénoncé une « démarche idéologique » visant à « rééduquer ceux qui n’adoptent pas la pensée unique ». « Cette proposition de loi risque d’aggraver les inégalités économiques entre parents et d’entraîner plus de violences émotionnelles et physiques », a affirmé la députée de Paris (La France Insoumise) Danièle Obono.
Pas le choix des parents
Aujourd’hui, 71 % des enfants de parents séparés résident principalement chez leur mère, 12 % chez leur père, et 17 % en alternance chez l’un et l’autre. Ce mode de garde n’est pas demandé par la plupart des parents. Près des trois quart d’entre eux sont d’accord pour fixer la résidence chez la mère. Cependant, en cas de désaccord (si par exemple le père réclame la garde alternée contre l’avis de la mère), les mères obtiennent plus souvent gain de cause que les pères. C’est pour tenter de faire entrer davantage la résidence alternée dans les mœurs, en la plaçant comme première option pour les parents en cours de séparation, que le député Modem Philippe Latombe a rédigé cette proposition. L’Union nationale des associations familiales a apporté son soutien au texte.
« Il y a méprise sur le contenu du texte, a répondu aux critiques le rapporteur du texte, Vincent Bru (Modem). Il n’entraîne aucune contrainte sur les parents. » « Le juge veillera à l’intérêt de l’enfant, a martelé Jacqueline Gourault. Dans les situations de violences, la résidence ne sera pas fixée chez les deux parents. » Le gouvernement avait préparé un amendement visant à clarifier la répartition des pensions, aides sociales, et du quotient familial, qui n’a pas été examiné.
Les élus Modem et La République en Marche ont plaidé en faveur de la double résidence. « Il s’agit de mieux traduire symboliquement l’égalité des parents, a affirmé Sarah El Haïry (Modem, Loire-Atlantique). L’un ne doit pas exclure l’autre ni se sentir supérieur à l’autre. » Il s’agit aussi selon elle de « faire évoluer la perception sociale du rôle des parents ». « Un enfant a besoin de ses deux parents, a également estimé Caroline Abadie (LREM, Isère). Ce n’est pas antiféministe de poser cette question : pourquoi les hommes ne pourraient-ils pas s’occuper d’avantage des enfants après un divorce ? »