Une loi pour mettre en rétention les « dublinés »
Une loi pour mettre en rétention les « dublinés »
Par Maryline Baumard
L’Assemblée nationale examine jeudi une proposition de loi qui permettra de placer en centre de rétention les migrants déboutés de l’asile dans un autre pays ou ayant quitté leur hébergement sans motif.
Migrants à Calais, le 5 décembre. / OLIVIER PAPEGNIE / HUMA POUR LE MONDE
Limiter au maximum les entrées d’étrangers en France et multiplier les renvois. Si le chef de l’Etat communique plus volontiers sur la dignité de l’accueil des réfugiés, la tentative d’expulser reste le marqueur dominant des sept premiers mois d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Et pour améliorer le taux de renvoi, à maintes reprises jugé trop faible, le gouvernement parie sur l’enfermement tous azimuts.
Jeudi 7 décembre, c’est le cas des « dublinés » qu’étudiera l’Assemblée nationale, afin de pouvoir les enfermer légalement. Depuis le 27 septembre, ces migrants qu’on a forcés à laisser leurs empreintes dans un pays d’Europe qu’ils ont traversé avant de venir en France ne devaient plus être placés en centre de rétention administrative. La Cour de cassation avait en effet pointé l’illégalité de ces enfermements tant que la loi ne précisait pas ce qu’est un « risque manifeste de fuite », raison invoquée pour les priver de liberté.
La proposition de loi déposée par Jean-Luc Warsmann, député Les Constructifs, a toutes les chances d’être adoptée. Ce texte permettra d’enfermer massivement puisqu’il suffira d’avoir été débouté de l’asile dans un autre pays, ou simplement d’avoir quitté son hébergement sans motif, pour être mis en centre de rétention.
Une mesure dénoncée
L’association Forum réfugiés a dénoncé dans un communiqué cette mesure qui « reviendrait à modifier la nature même de la rétention administrative des étrangers en France, désormais applicable à des personnes qui ne sont soumises à aucune décision d’éloignement ». Selon elle, cette approche contrevient même « à l’exigence posée par le Conseil constitutionnel, qui ne permet la rétention d’un étranger “que pour le temps strictement nécessaire à son départ” ».
En attendant que commence peut-être une autre bataille juridique, l’adoption de cette proposition de loi, que le ministère de l’intérieur a « invité » le député à déposer, retire à court terme une épine du pied du gouvernement. A l’heure actuelle, un cinquième des étrangers en rétention (21,5 %) sont des « dublinés » et, même s’ils reviennent sous quelques jours en France, le gouvernement s’applique à les renvoyer.