L’Oréal se convertit à la coloration végétale
L’Oréal se convertit à la coloration végétale
Par Juliette Garnier
Le numéro un mondial des cosmétiques lance une marque de coloration aux ingrédients non chimiques.
Le siège du groupe L’Oréal, à Clichy (Hauts-de-Seine), près de Paris. / ERIC PIERMONT / AFP
C’est une petite révolution. L’Oréal, numéro un mondial des cosmétiques, a dévoilé, mercredi 13 décembre, le lancement de Botanéa, une gamme de coloration capillaire 100 % végétale. Destinée aux seuls salons de coiffure, cette gamme à base de plantes – trois poudres de henné, de cassia et d’indigo, enrobées d’huile de noix de coco – sera disponible en Europe à compter de mai 2018.
En France, le groupe espère vendre cette gamme à 5 000 des 85 700 salons de coiffure de l’Hexagone. L’enjeu : convertir coiffeurs et coloristes à ce mode de coloration par cataplasme inspiré des méthodes employées par les femmes en Inde ou en Afrique du Nord.
A en croire la direction du groupe, malgré un temps de pose de 30 à 60 minutes (pour un coût de 50 à 80 euros), la tâche ne sera pas difficile. « La naturalité est une vraie attente des consommatrices aujourd’hui », juge Marion Brunet, directrice générale Internationale de L’Oréal Professionnel.
Fondé par le chimiste Eugène Schueller en 1909, L’Oréal, inventeur du Diacolor en 1990 et de l’Inoa en 2010, colorations sans ammoniaque, change radicalement de culture, en proposant un produit 100 % naturel. Le groupe aux 25,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires surfe sur la tendance bio qui, après avoir concerné le marché de l’alimentation, s’impose dans les salles de bains.
Le marché français des produits cosmétiques bio est en plein essor. Sa progression annuelle moyenne devrait être de 5,8 % entre 2016 et 2020, pour atteindre 580 millions d’euros, d’après l’étude publiée en avril 2017 par Xerfi. « En dix ans, il aura presque doublé », note le cabinet d’études. Les ventes se nourrissent de « l’actualité alarmante et des scandales sanitaires à répétition », avancent les auteurs de l’étude.
Le marché des produits de coloration n’échappe pas au phénomène. « Le segment des produits naturels affiche une bonne croissance, depuis trois ans environ. Mais cette année, tout s’accélère », juge Antonin Landolfi, directeur des opérations de l’enseigne Bleu Libellule.
Marché de niche
Ce spécialiste de la vente de produits capillaires aux professionnels se fournit auprès de marques confidentielles, dont la suédoise Maria Nila ou l’italien Natur’Art pour des colorations fugaces. « Mais pour l’heure, faute d’offre de marques, nous ne vendons pas de coloration naturelle permanente », précise M. Landolfi.
Car les grands industriels de la cosmétique n’ont guère abordé ce marché de niche. Henkel, concurrent de L’Oréal et propriétaire de la marque Schwarzkopf, ne fabrique pas de coloration végétale. Wella, autre poids lourd du secteur, filiale du géant américain Coty, vend une poudre de coloration à base de plantes, EOS.
Or, il y «a beaucoup d’appétence pour ce type de produits », reconnaît Olivia Provost, responsable de la communication de Provalliance, groupe à la tête des enseignes Franck Provost, Jean-Louis David et Saint Algue. Les coiffeurs indépendants cherchent également à proposer des prestations susceptibles de contribuer à attirer de nouvelles clientes et à « les rassurer sur l’innocuité de ce qu’elles utilisent », estime M. Landolfi.
Alors que 35 % des femmes y ont recours, les produits pour colorer les cheveux sont toujours sujets à caution. En 2008, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait réaffirmé que les coiffeurs exerçaient un métier classé comme cancérogène « probable » en raison des colorants et produits chimiques qu’ils manipulent en salon. Une évaluation que l’agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait établie dès 1993.
Les colorations vendues en hypermarchés n’ont, elles, pas pu être « évaluées », faute « d’indications suffisantes », précise le CIRC. Cependant, ces produits colorants se trouvent également au cœur d’un débat, notamment sur les forums de discussion consacrés à la beauté.
Pour servir celles qui s’inquiètent de leur innocuité et souhaitent se convertir au « 100 % naturel », L’Oréal lancera d’ailleurs une version grand public de Botanéa, a révélé le magazine LSA. « Ce sera sous la marque Garnier dès mai », confirme L’Oréal.