Benoît Hamon au lancement du mouvement Generation.s , au Mans, le 2 décembre. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

C’est un peu comme la quête du Graal de la légende arthurienne et sa promesse de guérison. L’écologie politique serait la solution miracle pour renouveler le logiciel d’une gauche en pleine recomposition. On ne compte plus aujourd’hui les professions de foi écologistes. A tel point qu’Europe Ecologie Les Verts (EELV) se retrouve dépouillée de sa spécificité et voit son existence de plus en plus menacée.

Dernier exemple en date, le lancement du mouvement de Benoît Hamon, Génération.s. Le 2 décembre au Mans, l’ambiance était très « verte ». Dans les couloirs du Palais des congrès, on croisait Noël Mamère, Cécile Duflot, Yves Contassot, Claire Monod et Pierre Serne, tous estampillés EELV. Ils ont assisté avec bonheur à l’adoption de la Charte de fondation de Génération.s. Ce texte se réclame, en effet, de la Charte des Verts mondiaux et place l’écologie au centre de ses préoccupations.

Autre preuve que Génération. s se place sur le terrain de l’écologie politique : dans son « comité politique provisoire », l’organe de direction, quatre membres sur trente-deux (Mme Monod et MM. Serne, Mamère et Contassot) sont issus des Verts et sont des proches de Cécile Duflot. Il n’en fallait pas plus pour que certains écolos s’affolent. « Ils sont envoyés en mission. EELV a lancé un processus d’assises de l’écologie. On veut être dans le fond et le sérieux, note un écologiste. Pousser à la fusion avec un autre mouvement, c’est tuer cette démarche. Ils veulent exécuter EELV au profit de Benoît Hamon. »

« On ne refondera pas seuls l’écologie »

Des accusations qui énervent les concernés. Tous soulignent que c’est le débouché logique de la campagne présidentielle commune, où le Vert Yannick Jadot s’était retiré au profit de l’ancien socialiste. « Ce qui se passe autour d’Hamon, cela va dans le bon sens. Il y a un espace à occuper entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. On ne refondera pas seuls l’écologie », souligne M. Mamère, qui tient à préciser qu’il « n’est pas membre de Génération.s », même s’il fait partie de sa direction.

Benoît Hamon récuse l’idée de substitution à EELV. « C’est une vision totalement archaïque de nous ramener à des logiques d’appareil. On cherche à faire une synthèse originale entre la tradition de l’écologie politique, l’altermondialisme et le socialisme, avance l’ancien candidat à la présidentielle. Il faut se méfier des réflexes identitaires, de ceux qui veulent faire de l’écologie pure et dure ou du socialisme pur et dur sans se compromettre avec quiconque. »

De son côté, David Cormand, le secrétaire national d’EELV, ne veut pas céder à la paranoïa. Ami de Mme Duflot, il dit regarder avec « intérêt » ce qu’il se passe chez Benoît Hamon. « Si un certain nombre de militants souhaitent contribuer à ce que Génération.s s’ancre sur l’écologie, il n’y a pas de problème », note-t-il.

Cependant, M. Cormand avertit : « L’offre écologiste est complète, on n’a pas besoin d’une béquille sociale-démocrate, socialiste ou marxiste. » Comprendre : d’éventuelles listes communes avec Génération.s. pour les élections européennes de 2019 se feront sous certaines conditions qui s’annoncent drastiques.

La France insoumise veut reprendre la main

En attendant ces échéances, pas question pour La France insoumise (LFI) de laisser Benoît Hamon et son mouvement préempter les thématiques écologiques et convoler en justes noces avec EELV. Les Insoumis veulent à tout prix reprendre la main. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon s’est depuis longtemps converti à l’écosocialisme et à la planification écologique. Mais ces thèmes ont été mis sous le boisseau depuis la rentrée où l’actualité sociale a occupé LFI, notamment à travers l’opposition à la réforme du code du travail.

Lors de leur convention de Clermont-Ferrand, fin novembre, les adhérents de LFI ont décidé qu’une de leurs trois campagnes nationales serait sur la sortie du nucléaire. En bons stratèges, les dirigeants du mouvement ont donc adressé en début de semaine une lettre à plusieurs « acteurs de la transition énergétique ».

Parmi eux, EELV, Génération.s, l’Union syndicale solidaires et Greenpeace. L’idée est de leur pour proposer une « coorganisation » de cette campagne qui doit se conclure par un « vaste référendum populaire » sur la sortie du nucléaire, en mars. « Nous vous proposons donc une rencontre afin d’échanger (…) et, le cas échéant, d’envisager la création d’un comité de pilotage », écrivent Mathilde Panot, députée LFI du Val-de-Marne, chargée de la campagne sur la sortie du nucléaire question et Manuel Bompard, directeur des campagnes de LFI.

« Mélenchon cherche à nous écraser »

L’initiative est diversement appréciée. Benoît Hamon reste prudent et assure que son mouvement « regardera la proposition de LFI avec intérêt », même s’il estime que les actions communes ne « doivent pas toujours se faire autour des propositions des Insoumis ».

« On n’a pas encore décidé de ce que l’on allait répondre. Nous allons regarder ce que souhaitent faire les ONG », estime pour sa part David Cormand qui reste échaudé par le mouvement social avorté de la rentrée, où M. Mélenchon avait critiqué les syndicats.

Enfin, Yannick Jadot, ancien directeur des campagnes de Greenpeace aujourd’hui député européen, est lui, hostile à la démarche de LFI. « Mélenchon cherche à nous écraser et son mouvement veut travailler avec nous ? On ne peut pas instrumentaliser la lutte contre le nucléaire comme cela. Après avoir cannibalisé le mouvement social, ils veulent faire pareil avec le mouvement écolo », s’emporte-t-il. La quête d’unité promet, en tout cas, d’être longue et tumultueuse. Et elle n’aura rien de chevaleresque.