Cinq questions pour comprendre le rôle du Conseil national du numérique et la crise qu’il traverse
Cinq questions pour comprendre le rôle du Conseil national du numérique et la crise qu’il traverse
Par Pauline Croquet
La polémique autour de sa nouvelle mouture jette la lumière sur cette instance française de consultation sur les questions numériques.
Marie Ekeland (à gauche), Mounir Mahjoubi et Rokhaya Diallo (à droite). / AFP
Huit jours après sa nomination, le Conseil national du numérique dans sa quasi-totalité a démissionné, mardi 19 décembre. Une décision prise à la suite de la polémique suscitée par la nomination de la militante Rokhaya Diallo et la pression du secrétaire d’Etat au numérique pour modifier la composition de ce collège consultatif.
En quoi consiste le Conseil national du numérique ?
Cet organisme consultatif appelé aussi CNNum a été créé en 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour accompagner et « éclairer » le gouvernement sur les questions relatives au numérique. Il s’intéresse autant à l’économie ou aux libertés qu’aux changements de société qu’entraînent l’informatique et Internet.
Concrètement, le Conseil national du numérique rend des rapports et des avis de sa propre initiative ou à la demande du gouvernement. Il n’a aucun pouvoir de régulation ; ses avis sont purement consultatifs.
Sur quels dossiers a-t-il déjà travaillé ?
Le Conseil national du numérique a interpellé régulièrement les pouvoirs publics. Il a notamment prononcé un avis sur le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme en 2013. Il a aussi formulé de vives inquiétudes au sujet du projet de loi sur le renseignement en 2015 critiquant la « formulation extrêmement large du dispositif », qui se traduit par une « surveillance de masse ».
Un an plus tard, il a exprimé son profond désaccord avec le gouvernement dans plusieurs avis au sujet des titres de séjour sécurisés (TES), une base de données appelée à contenir les données personnelles de 60 millions de Français. Des critiques qui venaient également d’associations de défense des libertés et des syndicats de la magistrature et ont conduit le gouvernement à promettre des concessions sur ce projet toutefois effectif depuis le début de l’année.
Qui le compose ?
Le CNNum est constitué de trente membres nommés par arrêté du premier ministre sur proposition du ministre chargé du numérique pour une durée de deux ans. « Ils exercent ces fonctions à titre bénévole », précise son règlement.
Parmi ses membres figurent des personnes qui ont fait carrière dans l’économie numérique, des universitaires et des chercheurs, mais aussi des figures de la société civile. Selon le tempérament de son président, ces critères de recrutements sont plus ou moins vastes. Par exemple, dans la composition qu’avait entreprise Marie Ekeland, la présidente démissionnaire, figurait Perrine Hervé-Gruyer, une agricultrice spécialiste de la permaculture.
Quelle est la nature de la crise actuelle au CNNum ?
C’est la dernière composition du Conseil qui a provoqué la polémique et la crise de ces huit derniers jours. A la mi-octobre, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat au numérique et par ailleurs ancien président du Conseil national du numérique (il a démissionné pour rejoindre la campagne d’Emmanuel Macron), révèle qu’il a choisi Marie Ekeland pour prendre la tête du CNNum. Cette figure de la French Tech, fondatrice du fonds d’investissement Daphni, siégeait au Conseil depuis février 2016.
Le 11 décembre, Marie Ekeland rend sa copie et la liste des trente membres (dont huit ont été reconduits) appelés à siéger jusqu’en 2019. Dans une volonté d’ouverture au-delà de l’aspect purement technologique, de parité et de pluralité, la nouvelle présidente propose un casting large. Les nominations ont été ensuite validées par le gouvernement, puisqu’elles sont entérinées par un décret du premier ministre. Deux jours plus tard, le secrétaire d’Etat au numérique, M. Mahjoubi, se ravise et demande à Mme Ekeland de revoir sa liste.
La raison : les nominations de la militante Rokhaya Diallo et du rappeur Axiom au sein de l’instance font polémique, notamment parmi des élus Les Républicains ou des militants de la gauche laïque. Militante féministe et antiraciste, Mme Diallo est parfois critiquée pour sa dénonciation du « racisme d’Etat » en France et accusée de « communautarisme » par ses adversaires.
Marie Ekeland refuse de revenir sur la composition qu’elle avait proposée et qui avait été validée : elle démissionne mardi 20 décembre. « Le projet que j’ai porté, d’ouverture, d’indépendance de pensée et de diversité, a été mis à l’épreuve dès le démarrage. Je ne vois pas aujourd’hui comment continuer à le porter en maintenant son essence et de bonnes chances de réussite », a expliqué Mme Ekeland, dont la démission a été suivie par celle de la quasi-totalité des membres.
Quelle est la suite pour le CNNum ?
Après des mois au ralenti, le CNNum devait être relancé sur de nouvelles bases et reprendre ses activités en janvier. Cette démission collective d’entrée de jeu grippe le calendrier et terni la réputation d’indépendance de l’organisme.
« Il faut que ce Conseil national du numérique puisse débattre sereinement, les conditions d’un débat serein n’étaient pas réunies, donc ce sera un nouveau conseil qui se réunira et qui travaillera de manière sereine et apaisée », a commenté mardi soir le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, au micro de RFI. Le CNNum se retrouve donc de nouveau à l’arrêt. Sa nouvelle composition sera annoncée au début de 2018, a assuré le secrétaire d’Etat.