Violences en Ethiopie : l’Union européenne demande l’ouverture d’enquêtes
Violences en Ethiopie : l’Union européenne demande l’ouverture d’enquêtes
Le Monde.fr avec AFP
L’est du pays est le théâtre d’affrontements communautaires qui ont fait plusieurs centaines de morts et des centaines de milliers de déplacés.
L’Union européenne (UE) a demandé, mercredi 20 décembre, l’ouverture de plusieurs « enquêtes indépendantes » en Ethiopie après de récents affrontements communautaires dans les régions Oromia et Somali, dans l’est du pays, qui auraient fait au moins 61 morts la semaine dernière, selon les autorités locales.
Les violences opposant des membres des communautés somali et oromo « ont provoqué de nombreuses victimes » et « suscitent l’inquiétude, en particulier au regard de leur nature de plus en plus ethnique », selon un communiqué du Service européen pour l’action extérieure. L’UE appelle à l’ouverture « d’enquêtes indépendantes sur tous les actes de violence ».
« Nettoyage ethnique »
Jeudi 14 et vendredi 15 décembre, plusieurs dizaines de personnes ont été tuées dans la zone de Harargue Ouest, à proximité de la frontière entre les régions Oromia et Somali, théâtre de violences, depuis plusieurs mois, qui ont fait plusieurs centaines de morts et des centaines de milliers de déplacés, selon les chiffres officiels.
Dimanche, dans un message publié sur son compte Facebook personnel, le porte-parole de l’Etat-région Oromia évoquait 61 morts dans ces affrontements. Selon Addisu Arega Kitessa, des hommes armés ont attaqué, jeudi 14 décembre, des Oromo dans les districts d’Hawi Gudina et Daro Lebu, tuant 29 personnes. Quelques heures plus tard, des proches des victimes auraient tué en représailles 32 Somali vivant dans le voisinage.
Dans une lettre ouverte adressée notamment au premier ministre et au Conseil de sécurité des Nations unies, des notables somali de Harargue Ouest parlent, eux, de « 200 personnes [tuées] lors de ce jour tragique », le 15 décembre, et dénoncent une « campagne de nettoyage ethnique » menée, d’après eux, par les autorités de la région Oromia depuis 2004 et « qui s’est progressivement intensifiée ces trois dernières années ». « La communauté éthio-somali […] vit traditionnellement dans Harargue Ouest depuis des siècles […]. Plus de 90 % d’entre nous parlent l’oromifa et pas la langue somali », ont souligné les signataires.
Le premier ministre, Hailemariam Dessalegn, a présenté dimanche dans une allocution télévisée ses condoléances pour ce qu’il a qualifié de « tuerie de masse ».
Différends fonciers
Depuis septembre, les affrontements communautaires auraient entraîné le déplacement de centaines de milliers d’Oromo de la région Somali et de Somalis de la région Oromia. Ces violences illustrent les tensions qui traversent le système de gouvernance éthiopien, dit de « fédéralisme ethnique », censé offrir un degré d’autonomie aux différentes communautés du pays, divisé depuis 1995 en neuf régions administratives. Les détracteurs de ce système disent qu’il contribue dangereusement à exacerber les sentiments d’appartenance et à « ethniciser » d’anciens différends fonciers dans le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique (plus de 100 millions d’habitants).
Depuis plus de deux ans, l’Ethiopie est secouée par des protestations à caractère social, économique et politique qui ont fait près d’un millier de morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l’homme, et conduit le pouvoir à instaurer l’état d’urgence d’octobre 2016 à août 2017.