« Zelda », « Sonic », « Assassin’s Creed », « PUBG » : lequel sera le jeu de l’année ?
« Zelda », « Sonic », « Assassin’s Creed », « PUBG » : lequel sera le jeu de l’année ?
Par William Audureau, Corentin Lamy
Pixels tranche pour de bon cette épineuse question en appliquant aux jeux de l’année les règles de la Coupe du monde de football.
Le rituel est immuable : alors que décembre touche à sa fin, les joueurs du monde entier, dans un dernier sursaut, établissent leur liste des meilleurs jeux de l’année passée.
Pixels s’est aussi laissé tenter par l’exercice, mais plutôt que de se risquer à un classement purement subjectif et donc soumis à la critique, l’équipe a décidé de reprendre les codes et le fonctionnement d’une compétition dont le fonctionnement et le caractère indiscutablement juste ont fait leurs preuves : la Coupe du monde de football.
Après avoir arrêté (non sans mal) une liste de nos 32 jeux préférés de l’année, nous les avons donc fait s’affronter en phase de groupe. Chacun de nos deux journalistes a ainsi pu, à sa discrétion, décider du score de chacun de ces matchs à l’issue d’une mi-temps – et discuter ensemble des prolongations le cas échéant. C’est le score final de chaque match qui apparaît ici. Les jeux ayant recueilli le plus de points (selon les mêmes règles que la Coupe du monde de football) se qualifient ensuite pour les huitièmes de finale.
Phase de groupe
Qualification sans surprise de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, à l’unanimité du jury. Spaceplan paye son manque de notoriété et son ambition plus restreinte, tandis que Forza Motorsport 6 s’est pris de front le tropisme antijeux automobiles d’un des rédacteurs de Pixels (nous tairons son nom de peur des représailles, mais ce n’est pas le trahir que de dire qu’il a tout fait pour que Sonic Mania passe).
Son nom n’évoque peut-être pas grand-chose, mais nombreux sont ceux à faire de What Remains of Edith Finch l’un des prétendants au titre de jeu de l’année, grâce à ses saynètes interactives parfois vertigineuses. Une posture également partagée par le jury, nettement moins sensible à Call of Duty WWII, propre mais sans grande originalité, ou Dead Cells, prometteur mais non fini.
Résultat un peu snob : les deux jeux les plus joués, le phénomène PlayerUnknown’s Battlegrounds et le jeu de tir compétitif Paladins, sortent dès le premier tour. Le premier paye son état de prototype inachevé, le second son manque d’originalité. Les scores peu élevés traduisent le niveau général peu relevé de la poule.
Le groupe le plus serré. En 2016, Horizon Zero Dawn se serait probablement qualifié, mais dans l’ombre de Breath of the Wild, il épate un peu moins aujourd’hui. Au contraire d’un Nier : Automata lyrique et audacieux, et d’un Resident Evil 7 à l’ambiance particulièrement malsaine. Hop, direction les huitièmes pour ces deux-là.
Choc de style et match nul, entre Hollow Knight, perle du jeu d’exploration en 2D, et Assassin’s Creed Origins, gigantesque reconstitution de l’Egypte antique. C’est après tirage au sort avec une pièce de 10 centimes et une main innocente que le jeu d’Ubisoft a été placé en 1re position, synonyme d’affrontement contre le second de la poule Frogger.
Samuel Barbosa
Que ce soit pour sa difficulté retorse ou sa direction artistique éblouissante, Cuphead a fait craquer le jury. L’impeccable jeu de tir Destiny 2 et son univers SF brillant passe à la défaveur de Splasher, petit jeu français aussi jubilatoire manette en main que visuellement peu engageant.
Le rédacteur de Pixels antijeu de voiture est aussi antijeu de foot (« j’aime le jeu vidéo, pas le foot », se défend-il) : voyez le résultat. Ce sont donc deux jeux de rôle qui se qualifient, l’un pour son ambiance folle et sa démesure, l’autre pour son charme à l’ancienne. Au détriment de Getting over it, son chouchou du moment, mais on ne peut pas tout avoir (et toc).
Samuel Barbosa
D’une audace formelle inédite, Stories Untold raconte une histoire comme aucun autre média ne l’a jamais fait, et c’est ce qui lui vaut de prendre le dessus, à la surprise générale – y compris des votants –, sur l’un des favoris à la victoire finale, l’enthousiasmant mais plus classique Super Mario Odyssey.
Devolver
Huitièmes de finale
Breath of the Wild - Prey : 4 - 2
Le plus étonnant n’est pas que Breath of the Wild se qualifie, mais que l’un des deux rédacteurs jeu vidéo de Pixels ait accordé deux points à Prey contre lui.
The End is Nigh - Resident Evil 7 : 1 - 0
« Du jeu vidéo à l’état pur », « pas un pixel n’est en trop » : le jeu du coauteur de Super Meat Boy a fait craquer une partie du jury, et se qualifie d’une courte tête, grâce à une expérience plus resserrée et maîtrisée que Resident Evil 7.
« The End is Nigh » / Edmund McMillen, Tyler Glaiel
Assassin’s Creed Origins - Destiny 2 : 3 - 1
Duel de superproductions, remporté à l’unanimité par Assassin’s Creed Origins, pour son ambition folle. Pourtant, Destiny 2 n’en manque pas lui non plus : c’est dire la prouesse.
Persona 5 - Super Mario Odyssey : 1 - 3
Deux jeux qui ont touché énormément de gens, chacun dans leur registre. Mais le retour de Mario à la 3D libre marque un vrai événement, 15 ans après Super Mario Sunshine, et le jury a laissé parler la fibre nostalgique.
Super Mario Odyssey / Nintendo
Sonic Mania - What Remains of Edith Finch : 1 - 3
L’hommage nostalgique de Sonic Mania n’a en revanche pas suffi face à l’écriture innovante d’Edith Finch, qui, en quatre heures, réinvente plusieurs fois la manière de raconter une aventure en jeu vidéo.
Thimbleweed Park - Nier : Automata : 0 - 3
Une victoire haut la main pour le jeu japonais le plus audacieux de l’année, avec son système de sauvegarde à débloquer et son générique de fin dès la moindre mort. Le comité de validation des jeux courageux et élitistes valide.
Hollow Knight - Cuphead : 2 - 1
« Cuphead, dans deux ans, tout le monde l’a oublié », lâche avec désinvolture le responsable des deux points de Hollow Knight. Le jury s’est déchiré sur ce match, entre deux des jeux à la direction artistique la plus remarquable de l’année.
Golf Story - Stories Untold : 2 - 2, 3 - 3 après débat, 5 - 4 aux dés
Deux purs jeux indés, deux jeux marquants, l’un pour son atmosphère délicieusement 90’s, l’autre pour son audace formelle. Deux écoles, finalement départagées par un coup de dé virtuel. Honnêtement, Stories Untold méritait peut-être davantage de passer.
Quarts de finale
Breath of the Wild - The End is Nigh : 5 - 1
The End is Nigh est un jeu d’une pureté absolue, une déclaration d’amour délicieusement grinçante et cruelle aux jeux de plates-formes à l’ancienne. Sauf qu’il pourrait n’être qu’un minijeu du gigantesque Breath of the Wild, jeu monument aux milliers de facettes.
Assassin’s Creed Origins - Super Mario Odyssey : 0 - 3
Dans le choc des jeux d’acrobaties avec une pyramide dedans, avantage à Mario, dont le terrain de jeu est bien plus réduit, mais infiniment plus riche en surprises, en secret, en hommages et en idées.
What Remains of Edith Finch - Nier : Automata : 4 - 1
Nier : Automata est audacieux, sa musique folle, mais Edith Finch offre une expérience bien plus accessible, et pas moins touchante et maligne. Le jury y a été plus sensible.
Hollow Knight - Golf Story : 2 - 1
La petite perle de l’année, d’une intelligence fine dans sa construction, et à la direction artistique merveilleuse, se défait de Golf Story, « un jeu brouillon à la direction artistique dégueulasse », se félicite celui qui, manifestement, était pour Stories Untold au précédent tour et n’a toujours pas digéré.
Demi-finale
Breath of the Wild - Super Mario Odyssey : 3 - 1
La vérité ? Il n’y a pas vraiment eu de suspense. En dépit de toutes ses qualités, Super Mario Odyssey n’a pas le souffle, la sophistication, et tout simplement l’importance historique de Breath of the Wild. Toi qui chevauches un cheval sauvage, entre ici, la finale t’attend.
What Remains of Edith Finch - Hollow Knight : 2 - 2, 4 - 2 après débat
Par quel miracle ces deux pépites indé ont-elles réussi à se départager, à l’issu d’un premier vote qui les mettait à égalité ? Par la magie d’un court débat, et surtout d’une phrase : « Souviens-toi du poisson », a glissé l’un des juges au second. Le poisson est à Edith Finch ce que le gâteau a été à Portal : la clé de l’éternité. Comprenne qui jouera.
Petite finale
L’un des membres du jury est tellement amoureux du monde de Hollow Knight et de ses bébêtes qu’il voudrait vivre dedans, l’autre ne compte plus le nombre d’idées pures qu’il a trouvé dans Super Mario Odyssey, et on ignore ce qui aurait pu les départager… si ce n’est la mauvaise foi.
« Hollow Knight ne mérite pas de perdre sur un coup de hasard, quand on lui propose de départager les deux jeux aux dés, ce qu’il refuse. Il mérite de perdre en se retirant devant un jeu plus prétentieux, mais sache que je trouve cela lamentable », explique le juge Corentin, grand prince. Super Mario Odyssey vole donc la victoire et monte sur la troisième place du podium sous les huées.
Finale
« J’ai l’impression que quel que soit le choix que je ferai, ce sera le mauvais.
— Est-on vraiment obligés de choisir ?
— Ou alors on décide que “Getting over it”, faute de vainqueur clair, remporte le trophée ?
— Plutôt “Golf Story” à ce moment-là, non ?
— C’est non. »
Il y a des choix qui brisent des vies, celui-ci a donné des maux de crâne au jury. Le débat fut intense, la migraine aussi.
« Le choix de la raison, c’est “Breath of the Wild”. Mais le choix de l’audace, c’est “Edith Finch”. On pourrait même imprimer un trophée sur un T-shirt et l’envoyer aux auteurs !
— Tu te rends compte que si on fusionne les deux on a le meilleur jeu de l’histoire de l’humanité ?
— Et ça s’appellerait “What Remains of Zelda”. »
L’idée de s’en remettre directement aux dés a fait son chemin, avant que dans un moment d’ivresse et dans le secret de l’isoloir, le premier juge vote 0-0, et le second… 2-1.
« Bon allez, j’ai voté. Je regretterai à jamais ce vote.
— Aaaaah !
— Quoi ?
— Je viens de voir ton vote. Tu as fait perdre “Edith Finch”. »
Et ainsi vainquit The Legend of Zelda : Breath of the Wild.