« Le Rire de Madame Lin » : l’ancêtre indésirable
« Le Rire de Madame Lin » : l’ancêtre indésirable
Par Thomas Sotinel
Contribution à la sociologie de la Chine contemporaine, le récit des tribulations d’une aïeule rejetée par les siens peine à atteindre la dimension tragique à laquelle aspire le réalisateur Zhang Tao.
Ce n’est pas tout à fait une antiphrase : Madame Lin, la pauvre héroïne du premier long-métrage de Zhang Tao rit, de plus en plus fort, de plus en plus souvent. Mais ces éclats ne sont que le symptôme d’une condition qui va se dégradant – condition physique et mentale, condition sociale, celles d’une vieille femme qui ne trouve plus de place, ni dans son village, ni dans sa famille, qui finit par pouffer au lieu de sangloter.
Le Rire de Madame Lin apporte une pierre supplémentaire à la grande muraille de films qui tente de cerner le bouleversement survenu en Chine depuis la victoire de Deng Xiaoping. Passionnant dans ce qu’il montre du délitement des liens sociaux et familiaux, le film de Zhang Tao reste trop fruste dans son expression pour atteindre autrement que par éclairs l’intensité dramatique à laquelle le cinéaste aspire manifestement.
Succession de tragédies
Octogénaire, Madame Lin vit dans une masure. Après une mauvaise chute, ses enfants décident de la placer dans un de ces mouroirs dont la République populaire de Chine n’a pas l’exclusivité. Mais il n’y a pas encore de place, et, en attendant, l’aïeule est trimballée de la maison presque cossue de l’un à la ferme délabrée de l’autre. Cette situation permet au réalisateur de présenter un échantillon des franges inférieures de la classe moyenne chinoise : enseignant-fermier, petit commerçant, travailleur migrant.
A des degrés divers, tous ces rejetons témoignent à leur mère la même indifférence, pendant que les conjoints laissent libre cours à leur hostilité. L’accumulation de ces disputes familiales, encore alourdie par une succession de tragédies, petites ou grandes (un adolescent est arrêté par la police, un chauffeur de camion est victime d’un accident) finit par peser sur le mouvement du film. D’autant que la mise en scène – qui recourt à l’excès aux plans fixes pris dans l’embrasure d’une porte – ne fait rien pour donner un peu de vie à l’ensemble. Il faut attendre les dernières séquences pour que Le Rire de Madame Lin arrive à communiquer la grande tristesse qui l’habite.
Film chinois et français de Zhang Tao. Avec Yu Fengyuan, Li Fengyun, Chen Shilan (1 h 22). Sur le Web : www.sddistribution.fr/film/last-laugh/129