Le service civique, un substitut à l’emploi ?
Le service civique, un substitut à l’emploi ?
Par Eric Nunès
Une étude de l’Injep souligne que les demandeurs d’emploi sont de plus en plus nombreux à s’engager dans une mission de service civique.
Mission de service civique Unis-Cité auprès de personnes âgées. / Wikimédia Commons / CC by 2.0
182 000 jeunes se sont engagés dans une mission de service civique entre 2010 et 2016, auxquels on pourrait ajouter 150 000 nouvelles missions, objectif de l’année qui se termine. Une récente note de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) souligne l’accentuation de la part « des inactifs et des demandeurs d’emploi » parmi les volontaires ainsi qu’une « surreprésentation dans les régions fortement touchées par le chômage des jeunes ». Pourtant, ce qui a été conçu comme un instrument pratique pour permettre à la jeunesse de se réaliser dans des travaux d’intérêt général, ne devait en aucun cas être un substitut à l’emploi.
Créé en 2010 lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le service civique est étendu par François Hollande à partir de 2015, lorsque l’ancien président, au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo, s’engage auprès de la jeunesse à lui donner les moyens d’une solidarité nationale. L’ancien président promet « l’universalité » du service civique, c’est-à-dire que tout jeune de 16 à 25 ans se voie offrir une mission s’il en fait la demande. Une promesse toujours non tenue, 75 % des candidats étant rejetés faute de mission.
Qui sont les volontaires à un service civique ? A 47 % des « demandeurs d’emplois », souligne l’Injep pour la période 2010-2016, ainsi que 17 % d’inactifs. Les étudiants ne représentent que 31 % de la population à vouloir s’engager et la proportion tombe à 4 % en ce qui concerne ceux qui ont déjà un emploi.
Avec la montée en charge du service civique, « la progression des salariés et des étudiants a ralenti », constate l’étude. Parallèlement, la part des personnes les moins armées pour prendre une place sur le marché du travail progresse : 25 % des volontaires de l’année 2016 ont un diplôme inférieur au baccalauréat, soit 1,5 point de plus qu’en 2014 et 80 % d’entre eux sont inactifs ou en recherche d’emploi.
Bien que les associations demeurent les principaux lieux d’accueil des missions de service civique, les services de l’Etat ont, à partir de 2015, été vivement sollicités pour ouvrir des postes. Alors qu’ils accueillaient seulement 1,6 % des volontaires en 2014, ils en rassemblent 17,02 % en 2016. « Dans le même temps, les établissements publics ont doublé leur participation », souligne l’étude. Et ce sont bien des demandeurs d’emplois qui sont le plus largement recrutés par ces derniers (59 % contre 42 % dans le secteur associatif).
Une corrélation avec le chômage des jeunes
Enfin, la corrélation entre une montée en puissance des missions de service civique et le chômage des jeunes se trouve également sur un plan géographique. « Certaines régions, à l’image des Hauts-de-France et des régions ultramarines, cumulent un fort taux de chômage des jeunes et une part importante de missions », constate l’Injep.
Le service civique peut-il se substituer à un emploi ? C’est une question que posait déjà le Conseil économique social et environnemental dans un bilan rendu public le 24 mai. « Le libellé de certaines offres de missions de service civique est parfois proche de celui d’une offre d’emploi, tant sur le contenu de la mission que sur les compétences recherchées », soulignaient les rapporteurs de l’étude.
Les collectivités territoriales ainsi que les services de l’Etat, dans leur empressement à ouvrir des missions, « ont pu assimiler le service civique à un contrat aidé », reconnaissent les auteurs. Ces derniers regrettent qu’aucune autorité indépendante ne soit chargée de contrôler une éventuelle dérive ou substitution à l’emploi. L’Agence du service civique a répondu pour sa part qu’elle n’a pas les moyens « d’une armée de contrôleurs ».