C’est une enquête glaçante que la radio publique américaine NPR a publié, lundi 8 janvier. Selon des statistiques inédites du ministère de la justice des Etats-Unis, les personnes souffrant d’un handicap mental sont proportionnellement plus souvent victimes de violences sexuelles que le reste de la population américaine.

Des données institutionnelles non publiées et obtenues par NPR, établies entre 2011 et 2015, montrent que les personnes, hommes comme femmes, souffrant d’un handicap mental sont sept fois plus susceptibles d’avoir subi un viol ou une agression sexuelle (4,4 personnes sur 1 000) que le reste de la population (0,6 personne sur 1 000).

L’écart est encore plus grand quand on prend en compte le facteur du sexe : les femmes souffrant d’un tel handicap sont douze fois plus susceptibles d’avoir subi des violences sexuelles (7,3 personnes sur 1 000).

Ces statistiques portent cependant sur la population américaine âgée de 12 ans et plus, excluant donc une partie des crimes pédophiles.

Par ailleurs, les individus hospitalisés dans des centres psychiatriques, ou vivant dans des établissements spécialisés privés, ne sont pas inclus dans les données du ministère de la justice. Dans ces établissements, les patientes risquent pourtant être agressées sexuellement par le personnel soignant, rapporte une autre enquête de NPR.

« On a tendance à ne pas les croire »

Les circonstances de ces agressions sont très similaires à celles des violences sexuelles subies par les femmes sans handicap mental, mais certaines tendances sont accrues. Selon les données obtenues par la radio publique américaine, qui a enquêté pendant un an, les auteurs de ces violences sont, dans la majeure partie des cas, déjà connus de leur victime. Seuls 14 % des agresseurs sont des inconnus, contre 24 % pour les femmes sans handicap victimes de viol. Une agression sur deux a lieu en journée.

« Ce sont souvent des gens qui ne peuvent parler, ou dont la parole est moins développée », explique Nancy Thaler, coresponsable des services sociaux pour l’Etat de Pennsylvanie. « Ils apprennent généralement depuis l’enfance à être obéissants. En raison de leur handicap, on a tendance à ne pas les croire, ou à penser qu’ils inventent ou imaginent ce qu’ils disent. Pour toutes ces raisons, un agresseur voit une opportunité de faire une victime », poursuit-elle.

Ces paramètres expliquent aussi une difficulté encore plus grande à porter ces agressions devant un tribunal, explique NPR. « De nombreuses personnes souffrant de ce genre de handicap sont malléables. Si on leur répète qu’une chose est arrivée et pas une autre, ils peuvent l’intégrer », explique Syzane Arifaj, ancien avocat.

C’est ainsi que la radio publique détaille le cas de Pauline, une femme violée par deux jeunes adolescents, et qu’une proche a tenté de manipuler en lui faisant dire qu’elle n’avait jamais été agressée. Pauline a finalement obtenu gain de cause devant la justice.

En France, il n’existe pas de mesure précise et institutionnelle des violences sexuelles contre les personnes en situation de handicap mental. Une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales portant sur la période 2008-2014 a relevé que plus de 39 femmes en situation de handicap – ou de gêne dans la vie quotidienne – sur 1 000 avaient été victimes de violences sexuelles par leur conjoint.

Selon l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir, une femme handicapée sur trois (ce qui ne concerne donc pas que les handicaps mentaux) est victime d’agression sexuelle ou de maltraitance au sein de sa famille. « Ces victimes sont totalement invisibilisées, encore plus que les femmes valides qui le sont pourtant déjà », expliquait dans une enquête du magazine Les Inrockuptibles Muriel Salmona, psychiatre et spécialiste des violences sexuelles.