C’est un marché jusqu’alors très fermé qui s’ouvre pleinement à la concurrence, avec à la clé d’importants gains de pouvoir d’achat pour les consommateurs. Les emprunteurs vont désormais pouvoir changer chaque année l’assurance de leur crédit immobilier et mettre ainsi en rivalité le contrat proposé par leur banque avec ceux d’autres assureurs.

Ce mécanisme de résiliation annuelle, à la date anniversaire du contrat, s’appliquera non seulement à l’assurance des nouveaux prêts, mais aussi à celle des crédits en cours depuis plusieurs années. Une aubaine pour les assureurs qui voudront casser les prix, puisque le marché de l’assurance des prêts immobiliers pesait, en 2016, 6,5 milliards d’euros de primes.

« Renforcer la protection du consommateur »

La loi du 21 février 2017 a ouvert cette faculté de renégocier un contrat d’assurance en cours d’exécution à partir du 1er janvier 2018. Vent debout contre cette ouverture du marché, les banques, qui dénoncent une remise en cause du droit des contrats sur leur stock de crédits, avaient porté l’été dernier l’affaire devant le Conseil d’Etat, qui avait accepté de saisir le Conseil constitutionnel au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Vendredi 12 janvier, la juridiction de la rue Montpensier a finalement écarté les arguments de la Fédération bancaire française et jugé le droit de résiliation annuel de tous les contrats d’assurance emprunteur conforme à la Constitution. « Le législateur a entendu renforcer la protection des consommateurs en assurant un meilleur équilibre contractuel entre l’assuré emprunteur et les établissements bancaires (…), rappelle le Conseil dans sa décision. En appliquant ce droit de résiliation aux contrats en cours, il a voulu, compte tenu de la longue durée de ces contrats, que cette réforme puisse profiter au grand nombre des emprunteurs. »

Les Français, champions de la renégociation du taux de leur crédit immobilier, se révèlent encore novices en matière d’assurance des prêts. Selon un sondage publié le 12 décembre 2017 par le courtier Meilleurtaux.com, réalisé avec Opinion Way, deux emprunteurs sur dix pensent ne pas avoir contracté d’assurance sur leur crédit ou ne s’en souviennent pas. Quant au coût mensuel de cette assurance, ils sont un tiers à ne pas en connaître le montant et près de la moitié à n’avoir aucune idée de son taux.

Un gain de pouvoir d’achat de « 500 à 700 euros par an » 

Pourtant, selon le sénateur (PS) du Doubs Martial Bourquin, auteur de l’amendement qui a ouvert cette nouvelle possibilité de résiliation annuelle, 8 millions d’emprunteurs sont susceptibles d’obtenir un meilleur tarif pour l’assurance de leur crédit, qui peut représenter « jusqu’à 30 % à 40 % du coût total » de ce dernier. Le parlementaire estime qu’obtenir des taux raisonnables d’assurance emprunteur pourrait faciliter l’accession à la propriété immobilière, « avec un pouvoir d’achat augmenté de 500 à 700 euros par an ».

Les banques seront les grandes perdantes de la bataille sur les prix qui s’annonce. Elles ont bénéficié pendant plusieurs décennies d’une position dominante. Encore aujourd’hui, les « contrats de groupe » qu’elles proposent représentent plus de 80 % du marché de l’assurance emprunteur. Comment fonctionnent-ils ? Le contrat est fourni par la filiale d’assurance du groupe bancaire, contre le reversement à la banque d’une commission très élevée. « Sur 100 euros de prime d’assurance versés par le consommateur, 50 en moyenne constituent des commissions et ne rémunèrent pas le risque », a ainsi calculé M. Bourquin.

« Dans le système bancaire français, les établissements compensent avec ces marges sur l’assurance emprunteur les marges qu’ils ne gagnent pas sur les crédits, explique un banquier français. Ces commissions sont donc importantes dans la rentabilité des banques de détail. »

Les banques ont par ailleurs toujours mis en avant la mutualisation des risques au sein de leurs contrats de groupe. « Les jeunes en bonne santé payent leur assurance un peu plus cher pour que les personnes plus âgées puissent s’assurer à des tarifs abordables, et avoir ainsi accès au crédit », résume le patron d’une banque régionale.

Une segmentation tarifaire au détriment des plus âgés

Compte tenu des marges réalisées grâce à l’assurance emprunteur, l’arrivée progressive sur ce marché des assureurs « alternatifs » (concurrents des filiales d’assurances des groupes bancaires) aurait pu permettre de faire baisser les prix, tout en conservant ce mécanisme de solidarité. Mais un rapport de l’inspection générale des finances prévenait dès novembre 2013 que l’ouverture à la concurrence avait entraîné « une démutualisation à bas bruit », en introduisant une segmentation tarifaire en fonction du profil du client.

« Nous avons en effet commencé à faire évoluer nos prix, reconnaît ce banquier. Et ce mouvement va s’accentuer, au détriment des plus âgés et des personnes présentant un risque aggravé de santé, si nos clients jeunes partent pour la concurrence. Sinon, économiquement, ça ne fonctionnera pas. »