L’Assurance-maladie confirme la hausse des affections psychiques liées au travail
L’Assurance-maladie confirme la hausse des affections psychiques liées au travail
Par Anne Rodier
Le bilan de la CNAM publié mardi fait état de plus de 10 000 accidents du travail et 596 maladies professionnelles pour 2016. Les femmes sont les premières victimes.
Dépressions, troubles anxieux… Plus de 10 000 affections psychiques ont été reconnues comme accidents du travail en 2016, 596 l’ont été comme maladies professionnelles, indique l’Assurance-maladie. Ces chiffres, publiés mardi 16 janvier dans son bilan « Santé travail : enjeux et actions », révèlent une hausse continue sur cinq ans des troubles psychosociaux liés au travail, alors même que « le nombre d’accidents du travail d’autre nature baisse », précise Marine Jeantet, directrice des risques professionnels de l’Assurance-maladie. Entre 2011 et 2016, la part des affections psychiques dans l’ensemble des accidents du travail a progressé de 1 % à 1,6 %.
Les assurés sont, il est vrai, de plus en plus nombreux à demander la reconnaissance de leur affection psychique en maladie professionnelle, ce qui renforce la hausse. Depuis 2012, les demandes sont passées de 200 à 1 100 et devraient « avoisiner 1 500 en 2017 ». L’Assurance-maladie a validé 50 % des demandes de reconnaissance en maladie professionnelle et 70 % des demandes en accident du travail.
L’enjeu de l’étude est « d’une part de souligner que l’Assurance-maladie reconnaît les affections psychiques comme accident du travail et d’autre part, en période de contrainte budgétaire, d’identifier les secteurs et les salariés les plus touchés pour orienter les mesures préventives », explique Mme Jeantet. La prise en charge des affections psychiques représentait environ 230 millions d’euros en 2016, sur un budget total de prestations de 8,2 milliards pour la branche risques professionnels.
Deux « événements déclencheurs »
Quand une affection psychique est reconnue comme accident du travail, les soins sont pris en charge à 100 %, et l’accident donne lieu à réparation sous forme de rente à vie, le coût étant répercuté à l’employeur. La durée des arrêts de travail pour les affections psychiques est particulièrement longue, à savoir 112 jours contre 65 en moyenne pour les autres accidents du travail. Pour les maladies psychiques professionnelles, les durées moyennes d’arrêt de travail avoisinent 400 jours, mais les malades sont beaucoup moins nombreux – cependant sept fois plus qu’il y a cinq ans.
Deux « événements déclencheurs » sont à l’origine de la hausse des accidents du travail pour affections psychiques, en proportion « à peu près égale », souligne le rapport de l’Assurance-maladie. D’une part, un choc ou stress lié à un événement violent externe à l’entreprise (agression, braquage, attentat… sur le lieu de travail) et d’autre part, les conditions de travail. La reconnaissance des troubles psychiques au titre des accidents du travail se base sur le certificat médical qui décrit l’accident et ses circonstances. En termes d’entreprises, trois secteurs d’activité concentrent environ la moitié des cas d’affections psychiques : le médico-social (18 %), le transport (15 %) et le commerce de détail (13 %), qui ont en commun leur lien avec le public.
L’exposition au stress, aux violences internes ou externes à l’entreprise peuvent avoir des conséquences sur la santé des salariés, « en termes de maladies cardiovasculaires, de troubles musculo-squelettiques, de troubles anxio-dépressifs, d’épuisement professionnel, voire de suicide », rappelle l’Assurance-maladie, qui recense entre dix et trente suicides reconnus comme accidents du travail. Les affections psychiques qui font l’objet de reconnaissance en maladie professionnelle sont des dépressions, largement majoritaires (77 %), puis des troubles anxieux (11 %), des états de stress post-traumatique (10 %), et d’autres troubles mentaux et du comportement.
L’âge le plus vulnérable : la quarantaine
Les salariés les plus touchés par les affections psychiques liées au travail sont d’abord les femmes (60 %), « ce qui est cohérent avec [leur] plus forte exposition aux risques psychosociaux (intensité du travail, faible autonomie d’organisation, conflit de valeurs) », commente l’étude. L’âge le plus vulnérable est la quarantaine (40 ans pour les femmes, 41 ans pour les hommes).
Et contrairement aux idées reçues, la catégorie socioprofessionnelle qui connaît le plus d’affections psychiques liées au travail est celle des employés. Les cadres n’enregistrent pas le plus grand nombre d’accidents de travail liés aux affections psychiques, mais c’est un risque plus important pour eux sur leur total d’accidents de travail.
L’Assurance-maladie invite les entreprises à renforcer leurs actions de prévention des risques psychosociaux et encourage les salariés à se tourner vers leurs représentants du personnel pour obtenir les déclarations de sinistres. Car lorsque ce sont les conditions de travail qui sont à l’origine d’une affection psychique, c’est à l’employeur de faire la déclaration d’accident de travail. « On comprend aisément que ce n’est pas simple pour le salarié de demander à son employeur de faire état des mauvaises conditions de travail. Il est donc essentiel d’améliorer l’information des représentants des salariés sur les droits et procédure de reconnaissance d’accidents du travail », conclut Mme Jeantet.