La visite du pape au Chili entachée par les affaires de pédophilie
La visite du pape au Chili entachée par les affaires de pédophilie
Par Cécile Chambraud
Les associations de victimes critiquent l’attitude de François et attendent des sanctions contre le clergé, soupçonné d’agressions sexuelles.
Le pape François célèbre une messe à Iquique, au Chili, le 18 janvier 2018. / RODRIGO GARRIDO / REUTERS
« Calomnies. » Le pape François a sèchement rejeté, jeudi 18 janvier, les accusations portées au Chili contre un évêque par des victimes d’agressions sexuelles de prêtres pédophiles, accusations qui ont plongé depuis des années l’Eglise catholique chilienne dans une grave crise. Alors qu’il arrivait à Iquique, dans le nord du pays, pour y dire une messe avant de se rendre au Pérou, le pontife argentin s’est approché de journalistes. Interrogé sur son soutien à l’évêque d’Osorno, Juan Barros, François a déclaré : « Le jour où vous m’apportez une preuve contre l’évêque Barros, je parlerai. Il n’y a pas une seule preuve contre lui. Ce ne sont que calomnies. C’est clair ? »
Ce soutien sans nuance a aussitôt déclenché une nouvelle salve de critiques contre l’attitude du pape de la part des associations de victimes. « Comme si on avait pu prendre un selfie ou une photo pendant que [le père] Karadima abusait de moi ou d’autres avec Juan Barros à côté, qui voyait tout. Ces gens d’en haut sont fous », a tweeté Juan Carlos Cruz, l’une des porte-parole de ces victimes.
« Ces délits sont prescrits, a déclaré un autre, Juan Carlos Claret. Ils datent d’il y a plus de quinze ans. Aucun juge ne peut enquêter. Il nous reste la voie canonique [le droit interne à l’Eglise]. Nous protestons depuis 2015 et le pape le sait. Il est juge, mais quand il nous traite de gauchistes, il prend parti. »
Ces victimes accusent Mgr Barros – qui s’en défend – d’avoir protégé un prêtre, qui était aussi son ancien mentor, Fernando Karadima, dont l’Eglise a reconnu qu’il avait agressé de très nombreux mineurs. Elles reprochent au pape François de l’avoir, malgré cela, nommé évêque d’Osorno en 2015, et demandent son départ. Alors que les questions sur cette affaire ont parasité les trois jours de sa visite, Jorge Bergoglio n’a cessé de lui manifester son soutien. Mgr Barros était présent aux côtés du pape lors des trois messes. Jeudi, à l’issue de celle d’Iquique, il l’a ostensiblement embrassé. Mgr Barros a dit à la presse avoir eu des paroles d’encouragement de sa part.
« Les mots sont inutiles »
Dès le début, la visite pontificale au Chili a été dominée par ces scandales. Connaissant pertinemment la situation, le pape avait d’emblée, dès son premier discours, mardi 16 janvier, exprimé « la douleur et la honte » ressenties « face au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l’Eglise ».
Mais pour les associations de victimes, ces mots, déjà prononcés il y a deux ans aux Etats-Unis, ont été décrédibilisés par la présence, à ses côtés, de Mgr Barros. « Les mots sont inutiles s’ils ne s’accompagnent pas d’actions concrètes », avait résumé José Andrés Murillo, directeur de la Fondation pour la confiance, lui-même victime dans sa jeunesse de Fernando Karadima. Ils sont tout simplement bons à faire « un nouveau titre bon marché », avait commenté Juan Carlos Cruz.
La rencontre à huis clos du pape François avec des victimes, mardi, n’a pas davantage atteint son objectif. « Nous n’avons pas été invités, ont fait savoir les représentants des associations les plus actives. Nous espérons que leurs paroles [au pape] ne seront pas la seule chose de faite. »
A Santiago, le pontife a certes évoqué, devant les membres du clergé chilien, « la douleur qu’ont signifiée les cas d’abus commis sur des mineurs ». Mais il a aussitôt mis en balance cette douleur avec celle des prêtres et autres membres du clergé qui ont « vécu la souffrance qu’engendre la suspicion » et ont pu essuyer « des insultes dans le métro et dans la rue ».