Un combattant du Mouvement sudiste, séparatiste, à Aden, le 28 janvier. / FAWAZ SALMAN / REUTERS

Le gouvernement yéménite était proche, lundi 29 janvier, d’être chassé d’Aden, le grand port du sud et la capitale temporaire du pays, tandis que Sanaa demeure aux mains de la rébellion houthiste. Des combats ont opposé en ville, dimanche, les forces gouvernementales à de puissantes milices locales exigeant le départ du premier ministre, Ahmed Ben Dagher, et de son gouvernement, qu’elles jugent incompétent et corrompu. Au moins 12 personnes ont été tuées dimanche et plus de 130 blessées, selon l’agence officielle Saba.

Ces forces miliciennes, affiliées au mouvement séparatiste du Yémen du Sud, acheminaient lundi des renforts depuis la province d’Abyan, après avoir bombardé au mortier une base de la garde présidentielle dans la nuit. L’aéroport de la ville demeurait fermé lundi, ainsi que les écoles et les universités. Les combats s’étaient étendus, la veille, du quartier de Khor Maksar aux alentours du palais présidentiel.

Le président, Abd Rabbo Mansour Hadi, qui demeure en exil en Arabie saoudite, a appelé Riyad à faire cesser les violences et à engager une médiation. Entrée en guerre à la tête d’une coalition de pays arabes contre la rébellion houthiste en mars 2015, en défense du gouvernement de M. Hadi, l’Arabie saoudite « ne doit pas accepter la liquidation du gouvernement légitime », a lancé dimanche sur Twitter le premier ministre, M. Ben Dagher, qui mettait en garde contre une « confrontation militaire généralisée » à Aden.

« Nouvelle Libye »

Ces combats mettent pourtant en lumière de profondes divergences au sein de la coalition arabe : dimanche, un proche de M. Ben Dagher avait ainsi accusé les Emirats arabes unis, les principaux alliés de Riyad dans sa guerre au Yémen, d’appuyer cette tentative de « coup d’Etat. » Les Emirats entretiennent de fait une relation difficile avec M. Hadi et s’appuient, dans le sud du pays, sur le mouvement séparatiste, qu’ils arment et financent.

Au bout de trois ans de guerre, le gouvernement n’a qu’une présence réduite à Aden, où seuls le premier ministre et le vice-ministre des finances demeurent de façon permanente, ne sortant qu’épisodiquement du palais présidentiel. Si la garde présidentielle, qui leur est acquise, a les moyens de mener une résistance acharnée, le rapport de force penche en sa défaveur face aux miliciens fidèles au Conseil de transition du Sud (CTS), un gouvernement parallèle embryonnaire mis en place par les séparatistes, et aux combattants de la Ceinture de sécurité, dont les Emirats ont fait la principale force d’Aden.

Les séparatistes affirment que les combats ont dégénéré après que la garde présidentielle a tenté d’empêcher des manifestants de se réunir, à l’expiration d’un ultimatum lancé, le 22 janvier, par le CTS au premier ministre afin qu’il quitte Aden. L’ambassadeur saoudien au Yémen, Mohamed Al-Jaber, avait jugé, le 23 janvier, cet ultimatum « inacceptable ».

En privé, les autorités saoudiennes reconnaissent l’impopularité du gouvernement yéménite et ses faiblesses en matière de corruption. Elles souhaitent ainsi resserrer leur contrôle sur la Banque centrale yéménite, à laquelle Riyad s’est résolu de mauvaise grâce à verser 2 milliards de dollars (1,61 milliard d’euros), le 17 janvier, afin de prévenir un écroulement de la monnaie. « C’est vrai : le gouvernement n’est pas parfait, déclarait vendredi au Monde un officiel saoudien à Riyad. Mais notre tâche est de le préserver parce que, s’il disparaît, c’est l’Etat légitime qui disparaîtra avec lui, et le Yémen deviendra une nouvelle Somalie, une nouvelle Libye. »

Dimanche soir, le chef de la diplomatie émiratie, Anwar Gargash, rappelait quant à lui dans un Tweet que son pays demeurait attaché au leadership saoudien sur la coalition et traiterait durement ses alliés sudistes s’ils cherchaient à obtenir l’indépendance. Il ne mentionnait pas, cependant, l’avenir des membres du gouvernement présents à Aden.