Certaines entreprises vendent en masse de faux abonnés sur les réseaux sociaux. / QUENTIN HUGON / LE MONDE

« Ceux qui peuvent payer cher pour des followers peuvent s’acheter une influence d’apparence. » Dans une série de messages publiés sur Twitter samedi 27 janvier, le procureur de New York Eric Schneiderman a sévèrement critiqué l’industrie des faux comptes sur les réseaux sociaux, et annoncé l’ouverture d’une enquête contre une de ces entreprises, Devumi.

Cette annonce fait suite à la publication, quelques heures plus tôt, d’un article fouillé du New York Times sur cette industrie. Le quotidien américain explique que des stars, des sportifs ou des hommes politiques achètent des millions de faux abonnés afin d’accroître leur influence. Au cœur de ce système, l’entreprise Devumi, qui dispose, selon le New York Times, d’une base de 3,5 millions de faux comptes Twitter, vendus à plusieurs reprises. Elle aurait ainsi commercialisé plus de 200 millions d’abonnements.

Sur son site, l’entreprise, officiellement sise à New York, propose par exemple d’acheter 250 000 abonnés Twitter pour 1 800 dollars (1 450 euros), et vante des comptes « actifs et de haute qualité ». Elle permet aussi à ses clients d’acheter des mentions « J’aime » et des retweets. Et ne se limite pas à Twitter : d’autres réseaux sociaux, à l’image de YouTube ou de LinkedIn, sont aussi concernés. Un service qu’elle promet « anonyme et discret ».

Vol d’identités

Mais surtout, et c’est ce qui pose principalement problème au procureur de New York, une bonne partie des faux comptes Twitter qu’elle propose relève du vol d’identité : au moins 55 000 d’entre eux, selon le journal américain, utilisent de vrais noms, images de profils et autres informations personnelles de véritables utilisateurs du réseau social.

« L’imposture et la tromperie sont illégales dans l’Etat de New York », a rappelé le procureur, évoquant des « identités volées ». Avant de poursuivre :

« Internet devrait être un des plus grands outils pour la démocratie – mais il est de plus en plus détourné, pour devenir un terrain de jeu opaque, dans lequel ceux qui ont de l’argent l’emportent. La prévalence grandissante des bots [comptes automatiques] signifie que des voix authentiques sont souvent noyées dans la discussion publique. »

Le même procureur avait déjà lancé, il y a quelques semaines, une enquête à la suite des millions de faux commentaires qui avaient inondé le site de la FCC, le régulateur américain des télécoms, lors de la consultation publique sur la neutralité du Net.

Twitter a, de son côté, réagi, assurant que « les tactiques utilisés par Devumi (…) violent [ses] règles et sont inacceptables […) ». Avant de promettre de tout faire pour les arrêter ainsi que les entreprises similaires. Le réseau social avait été plusieurs fois été accusé, par le passé, de ne pas prendre ce problème suffisamment au sérieux.