Affaire Sarah Halimi : il n’y aura pas de reconstitution
Affaire Sarah Halimi : il n’y aura pas de reconstitution
Par Louise Couvelaire
Lundi, la juge d’instruction a estimé que la reconstitution « n’est en tout état de cause pas nécessaire à la manifestation de la vérité ».
Le psychiatre avait également conclu que le crime de Kobili Traoré était un « acte délirant et antisémite ». / JACQUES DEMARTHON / AFP
Cela faisait des mois que les parties civiles réclamaient une reconstitution du meurtre de Sarah Halimi, retraitée de 65 ans, de confession juive, battue puis défenestrée au cri d’« Allahou akbar » par son voisin musulman de 27 ans, Kobili Traoré, dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, à Paris.
Dans une ordonnance rendue lundi 29 janvier, la juge d’instruction, Anne Ihuellou, a rejeté la demande des parties civiles, estimant que la « reconstitution sollicitée n’est pas compatible avec les contraintes liées à l’état de santé du mis en examen et n’est en tout état de cause pas nécessaire à la manifestation de la vérité, la matérialité des faits étant non contestée par le mis en examen ».
Maître Buchinger, l’avocat des trois enfants de la victime, a fait appel de cette ordonnance le jour-même. Il avait également saisi, le 12 janvier, le président de la chambre de l’instruction, demandant à ce que les circonstances aggravantes d’« assassinat », d’« actes de torture et de barbarie » et d’« antisémitisme » soient retenues. Anne Ihuellou n’a pas non plus donné suite à cette requête, jugeant qu’une telle extension de la mise en examen du suspect ne pouvait être envisagée dans ce cadre. Elle précise par ailleurs qu’une reconstitution ne saurait établir « les diverses circonstances aggravantes qui pourraient être retenues contre [Kobili Traoré] à l’issue de l’information ». La juge devrait toutefois bientôt réinterroger Kobili Traoré.
Un discernement « altéré » mais pas « aboli »
Interné en hôpital psychiatrique depuis la nuit du drame, Kobili Traoré est, depuis juillet 2017, mis en examen pour « homicide volontaire ». Une première expertise psychiatrique, rendue en septembre, avait conclu que le jeune homme, sans antécédent psychiatrique, était atteint, au moment des faits, d’une « bouffée délirante aiguë » induite par une forte consommation de cannabis. Ce qui ne l’exempt pas d’une sanction pénale. Selon l’expert, Daniel Zagury, son discernement était « altéré » mais pas « aboli ». Il est donc apte à être jugé.
Le psychiatre avait également conclu que le crime de Kobili Traoré était un « acte délirant et antisémite ». Et de préciser : « Aujourd’hui, il est fréquent d’observer, lors d’efflorescences délirantes, chez les sujets de religion musulmane, une thématique antisémite : le juif est du côté du mal, du diabolique. Ce qui est habituellement un préjugé se mue en haine délirante. (…) Dans son bouleversement délirant, c’est l’incarnation du diable qu’il terrassait. » Dans la foulée, le Parquet avait demandé de retenir le caractère antisémite du meutre.
Dans sa deuxième expertise, datée du 8 janvier et destinée à déterminer si l’état mental du suspect était compatible avec une reconstitution du crime, le docteur Zagury avait jugé la participation de Kobili Traoré possible, tout en précisant qu’une telle « épreuve » comportait « un risque de rechute délirante ».
Dans son ordonnance, la juge Anne Ihuellou a motivé son refus en reprenant certains termes du psychiatre. Il indiquait qu’en cas de reconstitution, « Kobili Traoré devra être protégé du climat d’hostilité et être encadré par des soignants en nombre suffisant, car son état mental actuel demeure fragile ». L’expert avait en outre relevé, note la magistrate, « qu’après une boufée délirante aiguë, le sujet [ne] conserve [que] des bribes de souvenirs filmiques, qu’il se remémore l’atmosphère d’angoisse extrême, mais qu’il a beaucoup de mal à restituer dans l’après coup les idées qui étaient alors les siennes ».