Le monstre de Frankenstein perdu sur les bords du lac Léman
Le monstre de Frankenstein perdu sur les bords du lac Léman
Par Fabienne Darge (Lausanne, envoyée spéciale)
Jean-François Peyret peine à donner corps au personnage de savant fou créé par Marie Shelley
Pauvre Frankenstein ! Sa créature lui a vraiment échappé. Frankenstein, le savant fou, jouerait ici le rôle du metteur en scène, et le monstre sans nom, celui du spectacle ainsi créé, qui se mettrait à vivre sa vie propre et chaotique, hors des chemins tracés par son deus ex machina.
Le Frankenstein du théâtre, c’est Jean-François Peyret, un metteur en scène qui ne cesse depuis trente ans de faire de la scène le lieu d’une réflexion passionnante sur la science et la technique. Il fallait bien qu’il s’attaque un jour à Frankenstein : avec son histoire horrifique, Mary Shelley a créé un des grands mythes de la modernité, qui nous parle avec force aujourd’hui, en ces temps de montée en puissance du transhumanisme, de l’intelligence artificielle et de la robotisation.
Mais peut-être qu’une créature vivante, comme un spectacle vivant, ne se crée pas à partir d’un simple assemblage de matériaux disparates. A trop vouloir en dire, Jean-François Peyret part dans tous les sens, sans tenir le fil de son spectacle, entre des parties narratives qui sonnent vraiment « rétro » et des saynètes qui semblent avoir été largement improvisées par les acteurs.
Une fantaisie sans limite
Des acteurs lâchés dans la nature par leur créateur. Et il s’amusent beaucoup, notamment Jeanne Balibar, dont la fantaisie semble ne pas avoir de limites, et qui traverse la scène dans les tenues les plus invraisemblables. Ou Jacques Bonnaffé, jamais en peine pour semer des graines de poésie sur son chemin.
Mais le mythe ne prend pas vraiment corps, non plus que le monstre, tel que le joue assez platement Joël Maillard. On n’attendait certes pas des effets spéciaux à la manière d’Hollywood, mais un peu d’imagination ne nuirait pas, quant à la représentation de la créature. Et quand, à la fin, c’est une icône de mai 68, la fameuse ouvrière des usines Wonder, qui se pointe, franchement, on se demande ce qu’elle fait là. Pourquoi pas le lapin Duracell, pendant qu’on y est ?
La Fabrique des monstres, d’après Frankenstein ou le Prométhée moderne, de Mary Shelley. Mise en scène : Jean-François Peyret. Théâtre Vidy de Lausanne (Suisse) jusqu’au 4 février. Puis tournée française : à Meylan/Grenoble les 8 et 9 février, à Foix les 12 et 13 février, à Nice les 4 et 5 avril, et à la Mc93 de Bobigny du 8 au 13 juin.