Au total, les usagers de Facebook ont passé cinquante millions d’heures en moins par jour sur le réseau social fondé par Mark Zuckerberg. / LOIC VENANCE / AFP

C’est une première dans l’histoire de ­Facebook. Au quatrième trimestre 2017, le nombre de personnes se connectant chaque jour au réseau social a reculé en Amérique du Nord, de loin son marché le plus lucratif. Certes, le repli est modeste – le nombre d’utilisateurs quotidiens est passé de 185 millions à 184 millions –, mais il illustre l’impact des récents changements apportés au service après moult polémiques. D’autres évolutions, encore plus radicales, sont prévues au cours des prochains mois.

Parallèlement, les usagers du réseau social ont passé cinquante millions d’heures en moins par jour sur Facebook. Là aussi, le repli est faible (un peu plus de deux minutes en moyenne par personne), mais tout aussi symbolique. La société l’explique par son choix d’accorder moins de visibilité aux vidéos virales. Elle les considère trop passives et potentiellement néfastes pour les interactions entre amis.

« Aider les gens à se connecter est plus important que de maximiser le temps passé sur Facebook », a assuré Mark Zuckerberg, son patron et fondateur, en marge de la publication des résultats annuels, mercredi 31 janvier. « Nous pensons que cela va être positif à long terme, a-t-il poursuivi. Cela va rendre notre communauté plus forte, et ce sera bon pour notre activité. »

Chahutée depuis des mois et donnant parfois l’impression de naviguer à vue, la société de Menlo Park (Californie) reste malgré tout une formidable machine à faire de l’argent. En 2017, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 40,6 milliards de dollars (32,7 milliards d’euros), soit un bond de 47 % par rapport à 2016.

« Contenus passifs » moins souvent affichés

Ses profits ont progressé de 56 %, à 15,9 milliards de dollars (12,8 milliards d’euros). Dans les échanges d’après-Bourse, son action se rapprochait, mercredi soir, de son plus haut niveau historique, portant sa valorisation au-delà des 550 milliards de dollars, soit 442 milliards d’euros.

Facebook compte désormais 2,13 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde, dont 1,4 milliard ouvrant quotidiennement son site ou son application mobile. « L’Inde, l’Indonésie et le Brésil constituent les principaux moteurs de la croissance », observe Brian Wieser, analyste chez Pivotal Research. En outre, le revenu moyen par utilisateur continue de progresser rapidement, notamment en Amérique du Nord et en Europe.

Selon l’entreprise, le prix des publicités a crû de 43 % au quatrième trimestre. En outre, Instagram, la plate-forme d’échange de photos et de vidéos rachetée en 2012, dispose d’un « important potentiel de croissance en 2018 », prédit Daniel Ives, de GBH Insights.

Début janvier, Facebook a fait savoir qu’il allait apporter d’importants changements à son fil d’actualités. Celui-ci mettra davantage en avant les messages publiés par les amis et la famille, qui offrent des « interactions significatives ».

A l’inverse, les « contenus passifs », postés notamment par des entreprises, des marques et des éditeurs de presse, seront moins souvent affichés. Ils « évincent les moments personnels qui nous poussent à nous connecter », justifiait alors M. Zuckerberg.

Modifications du fil d’actualités

Fin 2017, l’entreprise californienne avait aussi publié les conclusions de plusieurs études montrant qu’un comportement passif sur son site pouvait être néfaste. « L’utilisation des réseaux sociaux pour interagir avec les personnes qui nous tiennent à cœur peut être bonne pour notre bien-être, résumait M. Zuckerberg. En revanche, lire des articles ou regarder des vidéos ne l’est pas forcément, même s’ils sont divertissants ou informatifs. »

Les modifications du fil d’actualités seront progressivement déployées au cours des mois à venir. Elles font suite à de multiples polémiques sur le rôle du réseau social, notamment pendant l’élection présidentielle américaine de novembre 2016. Facebook est accusé d’avoir facilité la propagation de fausses informations et d’avoir créé des bulles de filtres confortant ses membres dans leurs convictions.

Facebook a également été remis en cause par d’anciens cadres, qui ont dénoncé son impact négatif sur la société. Face au côté addictif des réseaux sociaux, Marc Benioff, le patron de l’éditeur de logiciels professionnels Salesforce, préconise par ailleurs de les réguler comme les fabricants de cigarettes.

Après les avoir longtemps ignorés, « l’entreprise a pris conscience des problèmes de sa plate-forme », estime M. Wieser. « Leur résolution pourrait se répercuter sur le chiffre d’affaires », ajoute l’analyste. M. Zuckerberg reconnaît d’ailleurs que les futurs changements entraîneront une nouvelle baisse du temps passé sur Facebook. Un mal pour un bien, prétend-il. « C’est la bonne à chose à faire, confirme M. Ives. Cette stratégie va se traduire par une hausse du prix de la publicité et de la monétisation à long terme. »