Sport automobile : les « grid girls » hors course
Sport automobile : les « grid girls » hors course
Par Catherine Pacary
La décision de supprimer les jeunes femmes qui portaient les pancartes des grilles de départ en F1 oblige les autres disciplines du sport auto qui en emploient encore à se positionner.
Pour les uns, elles apportaient du glamour à la formule 1 et faisaient partie de la tradition. Pour les autres, ces jeunes femmes sexy, se déhanchant en jupette tout en brandissant des pancartes numérotées sur la grille de départ des Grand Prix, étaient d’un autre temps et offraient une image dégradante de la femme. Chase Carey, patron de la formule 1 depuis un an, a tranché, mercredi 31 janvier. Les grid girls (littéralement « filles de grille ») n’ont plus leur place en F1, et ce dès la course inaugurale de Melbourne, en Australie, le 25 mars. Une décision prise en six semaines, le temps de stigmatiser une habitude qui ne gênait pas grand monde dans le milieu du sport automobile, et qui soudain interroge les autres disciplines.
« Employer des grid girls a été un élément de base pour les Grands Prix de formule 1 pendant des décennies », a rappelé le patron américain. Jusqu’à leur remise en cause à la mi-décembre 2017. Ross Brawn, directeur sportif de Formula One, saisit le côté épineux de l’affaire, et déclare sur BBC Radio 5 : « Il y a beaucoup de gens qui respectent la tradition des grid girls, et il y a des gens qui pensent que c’est devenu un peu démodé. (…) Nous essayons de respecter tous les points de vue. »
Pour l’occasion, la BBC effectue un sondage auprès de ses auditeurs. Il en ressort que 60 % sont favorables au maintien des filles sur la grille. Chase Carey ne bronche pas. En tant que dirigeant, il va négocier « avec des équipes, un large écosystème et une large base de fans passionnée. Il ne se dégagera jamais de consensus. Mais une palette de points de vue. »
Grid girls lors du Grand Prix de Monaco, le 27 mai 2017. / FRANK AUGSTEIN / AP
Le 31 janvier, la sentence américaine est sans appel. « Nous avons le sentiment que cette coutume ne fait pas écho à nos valeurs, et qu’elle est clairement en contradiction avec les normes sociétales modernes », déclare Sean Bratches, directeur général des opérations commerciales de la F1. Une décision qui s’applique aussi à la F2, formule inférieure.
Quelques initiatives avaient anticipé cette évolution de la société. Avec plus ou moins de réussite. Ainsi en 2015, le Grand Prix de Monaco substitue aux grid girls des « garçons de grille »… Une expérience recalée unanimement. De même, la participation d’enfants lors du Grand Prix d’Autriche n’est pas réitérée.
Bernie Ecclestone et Niki Lauda regrettent
Au niveau des dirigeants, un des premiers à « regretter » publiquement la décision de Chase Carey est son prédécesseur, Bernie Ecclestone, 87 ans, évincé en janvier 2017 par les nouveaux propriétaires, Liberty Media, après quarante ans de règne. « Les pilotes aiment [les grid girls], le public les aime, et ça ne pose problème à personne. Il faudra m’expliquer en quoi cela gêne de voir une fille, jolie qui plus est, se tenir avec un panneau devant une voiture avant le départ d’un Grand Prix. »
Le triple champion du monde Niki Lauda, 68 ans, actuel directeur non exécutif chez Mercedes, a dénoncé, jeudi 1er février dans le quotidien autrichien Der Standard une « décision contre les femmes » et espéré qu’elle pourrait être revue.
Côté compétitions internationales, en championnat du monde des rallyes (WRC), la communication, jointe jeudi 1er février, ne souhaite ni apporter de commentaire ni dire si elle réfléchit à l’avenir de ses « filles des podiums ».
Supprimées des 24 Heures du Mans depuis 2015
D’autres n’ont pas attendu la F1. Ainsi le championnat du monde d’endurance (WEC), qui inclut les 24 Heures du Mans, a été le premier à supprimer les filles de ses grilles de départ en 2015. Aussi l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), promoteur des 24 Heures, organise-t-il régulièrement des conférences-débats sur la place des femmes dans les sports mécaniques – la prochaine se tient à la fin de février.
« Nous sommes heureux d’accueillir la F1 dans le XXIe siècle », a officiellement déclaré, avec un brin d’ironie jeudi, un porte-parole de la formule E, le championnat du monde des monoplaces électriques. La FE a cessé d’utiliser les grid girls en 2017. Les jeunes femmes sont depuis remplacées par de jeunes pilotes, de 10 ans et plus. Une expérience qui fonctionne bien, ces « grid kids » étant très fiers de se retrouver à côté de voitures qu’ils espèrent conduire un jour.
Conférence de presse de pilotes du championnat du monde de Rallye Cross, mise en ligne sur la page média du site FIA WRX. / FIA WRX
Pas de « grid girls » mais des DJ
Autre jeune championnat, en rallycross (WRX), des jeunes filles assistent simplement aux conférences de presse et sont présentes sur les podiums. Idem en championnat du monde des voitures de tourisme (WTCC), rebaptisé à partir de 2018 Coupe du monde des voitures de tourisme (WTCR).
Joint par Le Monde, François Ribeiro, patron d’Eurosport Events, promoteur du WTCC, précise sa position : « Il n’y aura ni “grid girls”, ni “grid boys” sur les circuits en 2018. Nos efforts porteront plutôt à animer les grilles de départ avec des DJ ou des spectacles, pour en faire un moment festif avant les courses pour le public, les invités et les équipes. Nous conserverons deux hôtesses sur les podiums pour assister au protocole. » Une position totalement compatible avec l’image que Chase Carey veut donner de la F1, engageant dans son sillage l’ensemble des sports automobiles.
Jugés sexistes, les défilés de « grid girls » vont disparaître des circuits de formule 1
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