Bure : la longue et inexorable histoire d’un centre d’enfouissement
Bure : la longue et inexorable histoire d’un centre d’enfouissement
Par Pierre Le Hir
Des investigations géologiques ont été menées dans quatre départements, mais un unique site sera retenu en 1998, celui de la Meuse.
Par quel cheminement tortueux les déchets ultimes de la filière nucléaire française sont-ils arrivés aux portes du village de Bure (82 habitants), aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne, où ils doivent être ensevelis pour les siècles des siècles ? L’histoire est longue, mais son cours inexorable. Comme si, une fois lancé, le train des déchets ne pouvait plus être stoppé.
Dès le début des années 1980, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), créée en 1979 au sein du Commissariat à l’énergie atomique, commence à étudier la possibilité d’un stockage souterrain. Ses géologues prospectent différents milieux (argile, granite, formation saline, schiste), dans l’Ain, l’Aisne, les Deux-Sèvres et en Maine-et-Loire. Mais, devant la fronde des populations, le premier ministre de l’époque, Michel Rocard, décrète en 1990 un moratoire.
L’année suivante, la « loi Bataille », du nom de son rapporteur, le député du Nord Christian Bataille, définit trois axes de recherche pour les déchets à haute activité et à vie longue : la séparation-transmutation (réduction de la nocivité et de la durée de vie), l’entreposage de longue durée en surface et le stockage géologique. L’Andra est chargée d’explorer cette dernière voie – qui n’est donc que l’une des options –, grâce à la création de « laboratoires souterrains », au pluriel, c’est-à-dire au moins deux.
Des investigations géologiques seront bien menées dans quatre départements, Gard, Haute-Marne, Meuse et Vienne. Mais un unique site sera retenu en 1998, celui de Bure, pour un unique laboratoire. En 2006, une nouvelle loi retient comme solution de référence le stockage en couche géologique profonde. Bien que l’Andra s’en défende alors, il devient rapidement clair que Bure sera aussi le site d’enfouissement national.
Depuis, en dépit d’une opposition croissante, l’Andra n’a pas dévié de la mission qui lui a été confiée. Les échéances sont encore lointaines – la mise en service du site n’est pas prévue avant le milieu de la prochaine décennie –, mais rien ne semble plus pouvoir empêcher que Bure porte la croix de son cimetière radioactif.