« Happiness », le manga qui passe l’émoi adolescent à la moulinette du vampirisme
« Happiness », le manga qui passe l’émoi adolescent à la moulinette du vampirisme
Par Pauline Croquet
Cette nouvelle série est signée Shuzo Oshimi, mangaka spécialiste des scénarios dérangeants et réfléchis sur la puberté.
« Happiness » / Shuzo Oshimi
Les pulsions adolescentes fascinent Shuzo Oshimi. Insatiabilité et dépendance sont au cœur des intrigues que le mangaka, né en 1981, noue au cœur des lycées japonais. Des situations incongrues et dérangeantes que l’auteur donne tout de go, sans craindre de faire rougir le lecteur comme une pivoine : sa première BD Avant garde Yumeko (2003, non publié en France) parlait d’une jeune fille obnubilée par les pénis. Dans Les Fleurs du mal, paru en France en 2017, son héros se retrouve obligé d’exécuter les quatre volontés fantaisistes d’une camarade de classe qui le fait chanter. La série qui l’a fait connaître en France en 2015, Dans l’intimité de Marie, démarrait quand un étudiant se retrouve piégé dans le corps de la jeune inconnue qu’il suit le soir.
Planche de « Happiness », manga de Shuzo Oshimi / Pika Editions 2017 / Shuzo Oshimi
Le scénario de la série Happiness, dont le premier tome vient de paraître en France, semble donc, à côté, presque insipide : Makoto, lycéen transformé en vampire, doit, au long des premiers chapitres, comprendre ce qui lui est arrivé et lutter contre sa soif. Bien qu’il résiste assez bien, son salut paraît impossible. Les tentations sont nombreuses, les effluves de sang lui caressent sans cesse les sens, sa colère gronde.
Shuzo Oshimi
Point de folklore ni de chemise à jabot pour les créatures de la nuit ici ; le mythe n’en reste pas moins éculé dans le manga. Tout comme la figure de Makoto, souffre-douleur de ses camarades. Mais c’est dans la simplicité qu’éclot tout le talent d’Oshimi : dans son dessin délicat d’abord, mais surtout dans l’authenticité qu’il arrive à insuffler aux dialogues et aux préoccupations de ses jeunes personnages. L’évocation de la sexualité trop souvent tue dans le manga, des discours crus et parfois polissons, des jeux d’attraction-répulsion, des amitiés qui se nouent sans guère de raison. C’est alors qu’il se transforme et devient un danger pour ses pairs que Makoto noue le plus de relations intimes.
Planche de « Happiness », manga de Shuzo Oshimi / Pika Editions 2017 / Shuzo Oshimi
Happiness, de Shuzo Oshimi, traduction de Thibaud Desbief, tome 1 paru le 17 janvier 2018, éditions Pika, 192 pages, 7,75 euros.