« The Ride » : western contemporain dans le Dakota
« The Ride » : western contemporain dans le Dakota
Par Murielle Joudet
La documentariste Stéphanie Gillard filme une chevauchée annuelle qui célèbre le massacre de Wounded Knee.
En 1890, dans le Dakota du Sud, l’armée américaine exécute près de 350 Amérindiens de la tribu des Lakotas. Cette hécatombe, connue sous le nom de « massacre de Wounded Knee », marqua la fin des guerres indiennes. C’est cette tragédie, celle de leurs ancêtres, qu’un groupe de cavaliers sioux commémore chaque hiver lors d’une longue et rude traversée à cheval des plaines de l’Etat. Tous les âges se retrouvent lors d’un périple de quinze jours jusqu’au cimetière de Wounded Knee.
La jeune documentariste Stéphanie Gillard, qui signe là son premier long-métrage, a participé à cette chevauchée avec la communauté des Lakotas et recueille, avec The Ride, le récit précis et émouvant de ce western contemporain. Plus d’un siècle après, les vastes plaines sont encerclées par les autoroutes et les stations-service, circonscrites par d’innombrables barbelés, les Lakotas sont habillés et parlent comme des Américains moyens, et ce qui jadis était leur réserve ne leur appartient plus.
Un passé meurtri
La chevauchée est là pour invoquer tout un passé meurtri au cœur d’une Amérique contemporaine plongée dans l’amnésie : cet acte de résistance est d’abord un voyage dans le temps. La faim, les températures extrêmes et la fatigue sont moins des obstacles pour eux qu’une manière de se rappeler, à même leur propre corps, ce que leurs ancêtres ont traversé.
Et les enjeux sont immenses pour cette communauté, car il s’agit de transmettre aux plus jeunes ce qui fait leur histoire, de recréer un lien social qui, l’espace de quelques jours, fait oublier la violence du quotidien, la précarité et l’isolement. Dans les discours et sur les visages des Lakotas se devinent une dignité dans la colère et une infinie capacité de résilience face à un implacable processus de dépossession de leur identité. Ici, ni commentaire de spécialiste ni voix off. Juste un écrin cinématographique d’une beauté à la fois sereine et douloureuse où l’invisible a autant, sinon plus, de réalité que ce qui apparaît.
Documentaire français et américain de Stéphanie Gillard (1 h 26). Sur le Web : www.rouge-distribution.com/2017/08/28/the-ride.html