La Corée du Nord, enjeu diplomatique des JO de Pyeongchang
La Corée du Nord, enjeu diplomatique des JO de Pyeongchang
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
La participation d’athlètes nord-coréens soulève le timide espoir d’un dialogue durable entre les deux Corées, sans faire oublier les vives tensions en Asie de l’Est.
Une équipe de supportrices nord-coréennes à la sortie d’une station service en Corée du Sud, avant leur arrivée à Pyeongchang, le 7 février 2018. / Lee Ji-eun / AP
La participation de la Corée du Nord aux Jeux olympiques de Pyeongchang fait déjà de l’événement un certain succès. Elle soulève le timide espoir d’un dialogue durable, sans faire oublier les vives tensions en Asie de l’Est. Evoquée par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un dans son discours du Nouvel An, la participation d’une délégation de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC) a été confirmée le 9 janvier lors d’une rencontre intercoréenne.
Depuis, les deux voisins ont décidé de faire défiler leurs délégations sous la bannière de la réunification lors de la cérémonie d’ouverture du 9 février, ce qui n’était pas arrivé depuis les Jeux d’hiver asiatiques de Chongchun (Chine) en 2007, au crépuscule de la politique dite du « rayon de soleil » qui avait fait régner un climat de détente dans la péninsule.
Au total, le Comité international olympique (CIO) a autorisé 22 athlètes du Nord, dont des hockeyeuses qui intègrent une équipe unifiée, à participer aux JO. Parmi eux, seuls deux, le couple de danse sur glace Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik, s’étaient qualifiés sportivement. La délégation sportive de 46 personnes sera entièrement financée par le CIO.
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Les autres composantes de la délégation du Nord, notamment les « pom-pom girls » et un groupe d’artistes, devraient bénéficier de financements du gouvernement sud-coréen. Séoul et Pyongyang ont organisé un entraînement commun des skieurs des deux Corées, les 31 janvier et 1er février, en Corée du Nord. Plusieurs événements culturels, dont des démonstrations de taekwondo et des concerts de groupes du Nord, sont prévus avant le début des Jeux à Pyeongchang. La multiplication des événements ne saurait faire oublier le climat dans lequel cette embellie survient.
Défilé militaire d’ampleur
L’année 2017 reste marquée par quatre essais de missiles balistiques intercontinentaux et un essai nucléaire, présumé de bombe à hydrogène, par la Corée du Nord. Les invectives entre le président américain Donald Trump et le dirigeant de Pyongyang et le durcissement des sanctions économiques ont exacerbé les tensions et fait oublier les appels du président sud-coréen Moon Jae-in, élu en mai, à la relance d’un dialogue intercoréen, au point mort depuis 2007.
De ce fait, l’apparent réchauffement reste fragile. Désireux de consolider les bases d’un dialogue durable, Séoul doit aussi ménager l’allié américain. La Corée du Sud a obtenu de Washington le report d’importantes manœuvres annuelles conjointes qui devaient coïncider avec les JO. Elle affirme dans le même temps que l’alliance militaire reste indéfectible avec les Etats-Unis, dont l’objectif, réaffirmé le 26 janvier, à Hawaï, par le secrétaire à la défense, Jim Mattis, demeure « le maintien déterminé des pressions économiques pour dénucléariser la péninsule coréenne ».
De même, la Corée du Sud doit éviter d’agir en contradiction avec les sanctions onusiennes, qu’elle a appuyées. Le financement de la délégation nord-coréenne suscite des débats au Sud. Le gouverneur de la province du Gangwon (où se trouve Pyeongchang), Choi Moon-soon, par ailleurs très engagé en faveur de la participation du Nord aux JO, a proposé d’utiliser le fonds de coopération intercoréen, créé par le gouvernement en 1991 pour les échanges culturels et l’aide sociale. Mais les critiques redoutent de voir l’argent détourné par les autorités nord-coréennes au profit de ses programmes nucléaires et de développement de missiles.
Côté nord-coréen, le message d’ouverture pourrait être brouillé par l’organisation envisagée, le 8 février, jour de commémoration de la création de l’Armée du peuple, de ce que le ministre sud-coréen de l’unification, Cho Myoung-gyon, a qualifié, le 27 janvier, de défilé militaire d’une ampleur « menaçante », mobilisant « quasiment l’ensemble des forces et armements » de la RPDC. L’événement pourrait constituer un défi à la veille de l’ouverture des Jeux que le président Moon aimerait faire entrer dans l’histoire comme les « Jeux olympiques de la paix ».