Jeux d’hiver : le salut par les sports extrêmes
Jeux d’hiver : le salut par les sports extrêmes
Par Clément Martel
Half-pipe, slopestyle, big air… le Comité international olympique mise sur des disciplines spectaculaires et populaires, issues des « X Games », pour rajeunir l’audience des Jeux.
Le snowboardeur canadien Max Parrot pendant un entraînement de slopestyle, à Pyeongchang, le 7 février. / JONATHAN HAYWARD / AP
« Organisme centenaire cherche sports fun pour revitaliser une compétition hivernale se déroulant tous les quatre ans. » Cette petite annonce n’a jamais été mise en ligne sur le site du Comité international olympique (CIO), mais à l’aube de la 23e édition des Jeux olympiques d’hiver, la question demeure d’actualité. Confronté aux limites inhérentes à l’événement, notamment l’absence de culture des sports d’hiver sur une grande partie de la planète, l’organisme olympique a misé sur des sports alternatifs – mais populaires – pour raviver leur flamme.
Depuis 1998 et l’arrivée du snowboard sur les pistes de Nagano (Japon), les Jeux se sont ouverts aux disciplines nouvelles issues des X Games. Grand barnum consacré aux sports dits extrêmes (d’où le X), cette compétition estivale a été lancée par le groupe audiovisuel américain ESPN en 1995, puis déclinée en version hivernale deux ans plus tard. Plus haut, plus acrobatique, plus au goût du jour, l’événement fait la part belle aux disciplines de ski et de snowboard freestyle et est devenu un rendez-vous incontournable de la planète glisse. Il attire désormais plus de 100 000 spectateurs chaque année dans la station de ski d’Aspen (Colorado).
Un esprit libre
Face au succès des Winter X Games, « le CIO, d’ordinaire très prudent pour intégrer de nouvelles disciplines, a compris que les Jeux d’hiver n’intéressaient plus personne, qu’ils n’étaient pas regardés et qu’il fallait du spectaculaire, assène l’historien du sport Pierre Lagrue. Et, petit à petit, les disciplines des X Games ont été intégrées dans le programme des Jeux d’hiver. »
Au moment de passer la torche de président du CIO à Thomas Bach, Jacques Rogge insistait en 2013 sur la nécessité de poursuivre le travail entrepris afin de rajeunir l’audience des Jeux. En « introduisant des épreuves qui plaisent aux jeunes (…) comme le snowboard, le slopestyle, le ski acrobatique », le dirigeant belge espérait faire mentir un sondage montrant que les Jeux sont regardés en majorité par des adultes. Half-pipe (ski sur piste en forme de demi-cylindre), slopestyle (une épreuve qui consiste à enchaîner des figures sur une piste aménagée) et – nouveauté de 2018, réservée pour le moment aux seuls snowboardeurs – big air (tremplin) ont ainsi rejoint le programme olympique.
Evoluant – à l’époque – en marge de la Fédération internationale de ski, les disciplines concernées cultivaient leur esprit libre. Et si la visibilité olympique a été accueillie comme une aubaine par les sportifs, beaucoup craignaient de perdre leur originalité en devant se plier aux contraintes olympiques.
Bolide X Games
« C’est moins freestyle qu’il y a quinze ou vingt ans en termes de mode de vie », reconnaît Marie Martinod, double lauréate des X Games et vice-championne olympique de ski half-pipe à Sotchi. A 33 ans, la skieuse de La Plagne (Savoie) évolue sur le circuit depuis 2003. Elle concède que « pour aller faire les Jeux olympiques ou une Coupe du monde, il faut être sur une liste de contrôle antidopage, et c’est contraignant », mais souligne « le plaisir d’arriver devant une foule qui lève les bras et hurle : c’est ce après quoi on court ».
Marie Martinod – qui arrêtera sa carrière à la fin de la saison – souligne la professionnalisation progressive du snowboard et du ski freestyle. « Disciplines naissantes, où il n’y avait pas vraiment besoin de faire des prouesses pour être reconnu et pouvoir en vivre », les sports concernés ont vu leurs adeptes « devenir des athlètes de haut niveau ». Une évolution qui va de pair avec la reconnaissance olympique. En parallèle, certains athlètes « s’en sortent très bien sans emprunter la voie de la compétition » : spectaculaires et porteuses, ces disciplines extrêmes drainent leur lot de sponsors qui financent vidéos, voyages et autres projets liés à cet univers.
En intégrant rapidement – à l’échelle d’une telle institution – de nouvelles disciplines au programme olympique, le CIO a évité de se faire dépasser par le bolide X Games. « Le CIO ne pouvait ignorer des disciplines qui attirent une population jeune », analyse le vice-président d’ESPN responsable des X Games, Tim Reed. Il ne redoute pas pour autant un phagocytage de son événement par la puissance olympique.
Un rendez-vous incontournable
Incontournables en Amérique du Nord, les X Games continuent d’attirer la crème des sportifs et des sponsors. En témoigne leur édition 2015 où un imbroglio de calendrier a vu se dérouler simultanément le championnat du monde de ski freestyle, du coup déserté par ses têtes d’affiche. A l’inverse, l’entrée du half-pipe ou du slopestyle dans le giron olympique a participé de l’expansion des « X » à l’international.
Se déroulant deux semaines avant l’ouverture des Jeux, les X Games restent un rendez-vous incontournable pour les athlètes. Même si certains, à commencer par la délégation française, les ont abordés comme une ultime préparation pour le rendez-vous de Pyeongchang, et en ont profité pour tester des figures et tenter d’impressionner juges et concurrence.
Aspirant à fidéliser un jeune public, le CIO a appliqué aux Jeux d’été sa stratégie d’ouverture aux sports issus des X Games. Sans garantie de résultats. Après le BMX, entré en 2008, les Jeux de Tokyo (2020) accueilleront donc une compétition de skateboard. Mais l’historien du sport Pierre Lagrue rappelle que d’autres disciplines, plus traditionnelles, ont également dû modifier leurs règlements afin « d’adapter leur offre pour la télévision ». A commencer par « les épreuves de départ groupé au biathlon », intégrées aux Jeux en 2006 et beaucoup plus « télé-compatibles » que l’épreuve individuelle, disputée sous la forme d’un contre-la-montre.