Maurice Manificat, le 11 février / CHRISTOF STACHE / AFP

Pour un homme déçu, Maurice Manificat a un drôle de sourire. Sur une course rendue très difficile par le vent et un départ rapide, le fondeur français a terminé cinquième de l’épreuve du skiathlon, qui combine 15 kilomètres en style classique (skis parallèles) et style libre (pas de patineur). De quoi le mettre en confiance à cinq jours de son épreuve favorite, le 15 kilomètres libre.

Devant lui, un Athlète olympique de Russie et trois Norvégiens : Simen Krueger (or), Martin Sundby (argent) et Hans Holund (bronze). Le dernier triplé norvégien en ski de fond masculin, aux Jeux olympiques, remontait à 1992.

Dans l’histoire du sport, les dominations outrageuses de certains pays sont rarement de bons présages.

Une semaine avant ce triplé norvégien, le Sunday Times et ARD ont révélé l’ampleur du dopage dans le ski de fond des années 2000, dominé comme toujours par les Norvégiens. Disposant d’une base de données recensant les valeurs sanguines prélevées par la Fédération internationale de ski (FIS) entre 2001 et 2009 (soit 100 000 analyses représentant près de 2 000 spécialistes du ski de fond), les deux médias ont isolé les médaillés dans les grandes compétitions internationales de 2001 à 2017.

Ils ont demandé à deux experts du dopage sanguin d’analyser les données, d’en dresser un passeport biologique et de recenser les profils indiquant un probable dopage. Leurs conclusions : derrière la Russie, dont le dopage d’Etat a depuis été attesté, la Norvège était le pays dont le plus grand nombre de médaillés était suspect.

Les valeurs stables de Manificat

La France n’était pas épargné, loin de là : le Sunday Times estime que 18 athlètes tricolores présents dans la base, soit pas moins de 29 % d’entre eux, avaient au moins une valeur sanguine anormale.

Le Monde a eu accès à cette base de données. Maurice Manificat y figure, les premiers tests le concernant remontant aux championnats du monde espoirs en mars 2007. Sept contrôles, répartis de mars 2007 à février 2009, donnent une vision d’ensemble de l’évolution de ses valeurs.

Dans les trois paramètres recensés - hémoglobine, taux d’hématocrite et de réticulocytes - jeunes globules rouges -, les valeurs de Maurice Manificat sont stables au fil des mois et cohérentes l’une avec l’autre, tout à fait dans les normes. Le Français ne figure pas parmi les 18 skieurs jugés suspects par le Sunday Times. Ces résultats n’écartent pas, évidemment, la possibilité d’un dopage ultérieur ou sous une autre forme.

Mais ils peuvent expliquer la colère de Maurice Manificat il y a cinq jours, lorsque la question de ces données sanguines suspectes a phagocyté la conférence de presse pré-JO des fondeurs français. « Je garde mon calme mais j’ai un peu envie de frapper tout le monde ! », avait-il lâché à une poignée de journalistes. « Ça nous fait vraiment chier, notre sport est très peu connu, si en plus on dit des choses fausses pour mettre la suspicion… »

Compte tenu des chiffres inquiétants contenus dans cette base de données, Maurice Manificat s’était cependant un peu avancé en ajoutant : « Il n’y a pas de dopage, il n’y a pas d’info ! »

« Je n’étais pas en confiance »

Malgré le froid piquant et la longueur de son passage en zone mixte face aux journalistes de télévision, « Momo », comme l’appelle le reste de l’équipe de France, avait donc un sourire plus large après sa cinquième place.

« On a loupé le coche au bon moment. Malgré tout je suis satisfait quand même, surtout de la fin de course. Dans la dernière bosse, qui sera décisive sur ces Jeux, j’ai pu “foutre les watts” et ça répondait bien. Maintenant je suis lancé, ca faisait une semaine qu’on ruminait sur le site olympique et on avait besoin de rentrer dedans. »

D’autant plus que le Haut-Savoyard, qui dispute ses troisièmes Jeux (médaillé de bronze en relais à Sotchi), doutait ces derniers jours d’être au niveau démontré depuis le début de la saison, lui qui pointe à la première place de la Coupe du monde sur les longues distances.

« Les deux derniers jours, je n’étais vraiment pas en sensations, pas en confiance. Je dormais mal, j’avais mal au dos le matin, les lits sont super durs. Ca fait du bien de sentir de bonnes choses. C’est de bon augure pour la suite. »

Ce sera vendredi 16 février, sur le 15 kilomètres libre, son épreuve favorite, puis le dimanche 18, sur le relais 4x10 kilomètres. Cet après-midi à Pyeongchang, les jeunes coéquipiers de Manificat, Clément Parisse (13e) et Jules Lapierre (15e), ont favorablement surpris. Jean-Marc Gaillard, convaincant en style classique, s’est lui relevé dans les derniers kilomètres (28e).