JO d’hiver 2018 : Benjamin Cavet, discret bosseur
JO d’hiver 2018 : Benjamin Cavet, discret bosseur
Le vice-champion du monde de ski de bosses va tenter de marcher sur les traces de son glorieux aîné, Edgar Grospiron.
Benjamin Cavet, le 9 février à Pyeongchang. / Gregory Bull / AP
Du ski de bosses, on se souvient du sacre d’Edgar Grospiron en 1992. La France connaît désormais Perrine Laffont, médaillée d’or dimanche à Pyeongchang. Dans ce sport, où skis serrés domptant les bosses et figures acrobatiques se mêlent, la France est toujours sur le devant de la scène. Benjamin « Ben » Cavet, 24 ans, vice-champion du monde en titre, s’alignera 12 février prochain, médaille d’or en tête.
Pousser la porte du garage du joli pavillon aux teintes rosées c’est entrer dans les coulisses de la vie de sportif de Ben Cavet. C’est ici, à Amphion-les-Bains, au bord du lac Léman, que se prépare le meilleur skieur de bosses français. À seulement 24 ans, le licencié de Châtel (Haute-Savoie) fait partie de l’élite mondiale. Vice-champion du monde en titre, il prépare, à l’abri des regards, les prochains jeux olympiques. « Je veux l’or », avouait-il début décembre, plein de sueur, les joues encore rougies par les heures d’entraînement.
« Il faut être obsédé »
Lorsqu’il est loin de la neige, c’est dans le garage de Mickael Girard-Déprolet, à 20 minutes de son domicile, qu’il travaille sa force et sa silhouette. « J’ai connu Ben, il y a six ans. Son premier entraîneur, Yannick Ceria, me l’a présenté comme ’un super potentiel avec de grosses lacunes physiques’. Si il ne fait rien, Ben a un physique sec. On doit beaucoup travailler sur sa posture. Il m’impressionne au quotidien pas sa capacité d’assimilation. Tu expliques, il observe et reproduit. Il est toujours présent. Il en veut ». Quand il n’est pas sur les skis ou dans la salle à pousser de la fonte, Ben Cavet regarde des vidéos. Il décrypte ses « runs », ceux de ses concurrents, à la recherche du geste parfait. Il parle du ski de bosses comme d’un art. « J’ai beaucoup réfléchi ma technique de ski. J’y pense tous les jours et c’est normal. Il faut être obsédé par ça. Je ne conçois pas le truc autrement. »
Dans les dix petits mètres carrés aménagés exclusivement pour le champion tricolore dans le garage de « Mike », on trouve des machines venues des USA, des gadgets dénichés sur internet. Cet espace confiné est le seul témoin des grosses séances que le préparateur physique inflige à son protégé : « c’est dur mais il ne rechigne pas à la tâche ». Un entraînement loin des pistes de ski et des stages avec l’équipe de France. Cette équipe de France, intégrée en 2012, devenue avec le temps sa deuxième famille. « C’est son team, son crew, raconte Ludovic Didier, son entraîneur. Il a besoin d’émulation. Leader de l’équipe, il reste discret, il ne se la raconte pas. Il est plutôt du genre à donner des conseils aux autres ». Et à partir en vacances avec ses amis concurrents étrangers. « Ben a besoin des autres pour évoluer, constate Carole, sa maman. En ce sens le freestyle lui correspond bien. Les jeunes s’entendent très bien, ils s’aident, ils s’encouragent ».
« Je dois tout à la France »
Rien ne prédestinait Benjamin Cavet à un avenir aussi doré, du moins pas du côté des montagnes françaises. Cavet, c’est l’histoire d’un petit Américain qui débarque en France, dans les valises de ses parents à l’âge de 10 ans, pour suivre Andrew, le papa, qui passe ses hivers dans les alpes à enseigner le ski. Changement de vie. Changement de décors. Changement de langue, d’école et de copains pour le petit Ben et sa grande sœur. « C’était difficile et fatiguant. Je ne comprenais pas la maîtresse, j’ai passé beaucoup de temps à tailler mes crayons dans le fond de la classe », s’amuse aujourd’hui Ben. Madame Cavet confirme : « il lui a fallu un an pour sortir ses premiers mots de français. »
Le jeune blondinet observe, apprend en silence. Il y a un domaine dans lequel il s’exprime : le sport. Sur le terrain de foot, au club de trampoline ou dans la section ski de bosses de Châtel, la langue n’est plus une frontière. Les activités physiques, déjà très présentes dans son ex quotidien anglais, deviennent un moyen d’expression, son moyen d’intégration. Naturalisé français en 2012, Ben Cavet court depuis pour la France. « Pour moi c’est logique : la France m’a appris le ski de bosses. Je lui dois tout.» La France, elle, y gagne un joli palmarès, bien parti pour s’étoffer.
Benjamin Cavet en bref
Né le 1 janvier 1994 (24 ans), à Maidstone (Royaume-Uni)
Discipline : ski de bosses
Club : Châtel (Haute-Savoie)
Palmarès : Vice-champion du monde 2017. 61 départs en coupe du monde dont 10 podiums. Champion du monde junior en 2014. Double médaillé d’argent aux championnats du monde junior (2011 et 2014).