L’armée à la recherche de « data scientists »
L’armée à la recherche de « data scientists »
Propos recueillis par Eric Nunès
Armand A., chef de pôle ressources humaines à la direction du renseignement militaire, détaille les profils recherchés par le « service discret » des armées.
[L’arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l’anonymat de militaires et de personnels civils du ministère de la défense interdit la publication du nom des membres de la direction du renseignement militaire. Par conséquent, le nom du chef de pôle en charge des ressources humaines n’est pas publié.]
La direction du renseignement militaire (DRM) recrute. Pour quelles missions ?
Armand A. : Le renseignement militaire rend compte à sa hiérarchie, donc au chef d’état-major des armées, à la ministre des armées et au chef de l’Etat. Ce service apporte du renseignement à des fins d’action sur le terrain. Les recrutements de la DRM doivent répondre à une adaptation permanente de ses besoins.
Nous avons une palette étendue de métiers, le plus connu étant celui d’analyste – une personne, civile ou militaire, en charge d’une zone géographique et qui récupère des renseignements d’intérêt militaire ou sur une thématique transversale, comme la prolifération de l’armement.
Quels diplômes peuvent mener à ces métiers ?
Ils sont extrêmement variés, cela va de l’ingénieur polytechnicien au titulaire d’un BTS. Nous visons des recrutements d’excellence, mais l’excellence ne se définit pas forcément par la validation d’une école. Avant d’intégrer le renseignement, ces hommes et ces femmes sont souvent passés par un master 2 en relations internationales, un institut d’études politiques ou sont des linguistes diplômés de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Leur mission est d’exploiter des informations et d’en faire un renseignement.
Dans le cyberespace, nous faisons face à un tsunami de données, le défi est de pouvoir les traiter, d’en extraire du renseignement. Nous avons besoin de « data scientists », dont le métier est de créer des algorithmes qui nous permettront de trier les informations pertinentes. Dans ce domaine, nous recrutons des profils atypiques dont le parcours n’est pas parfaitement académique, mais qui ont une appétence pour la recherche et ont un savoir-faire dans leur domaine tels qu’il n’est pas question de s’en passer. Ceux que nous cherchons sont des chasseurs.
Est-ce que l’armée peut s’aligner sur les salaires du privé ?
Ceux qui viennent dans les armées ne viennent pas pour l’argent. Le moteur, c’est l’envie de servir et de participer à une construction collective. Il est vrai qu’un jeune ingénieur gagnera mieux sa vie dans une entreprise privée que chez nous. Mais ici il sera très rapidement en charge de chantiers importants, avec les responsabilités qui vont de pair, alors que, dans le privé, le même individu mettra des mois voire des années avant d’avoir un impact réel sur les projets et la prise de décision.
Ensuite, il peut aussi imaginer une carrière qui commence au renseignement militaire pour se poursuivre dans le privé. Une expérience dans le renseignement apporte une plus-value monétisable.
Recrutez-vous des femmes ?
Le taux de féminisation est de 26 %, mais ce n’est qu’une statistique, nous ne cherchons pas la parité. Nous constatons que les femmes sont plus dans la profondeur, dans la densité et se révèlent d’excellents officiers de renseignement.
Faut-il avoir le goût du danger pour intégrer les services de renseignement ?
Le renseignement des armées n’est pas un service secret, c’est un service discret. Nous ne voulons pas d’intrépides. Notre métier est un peu celui d’un moine-soldat : bosser dans son coin, ne pas trop aimer la publicité et préférer la lumière intérieure. Ici c’est l’école de l’humilité.