Affaire Maëlys : ce que l’on sait et ce que l’on ignore encore
Affaire Maëlys : ce que l’on sait et ce que l’on ignore encore
Le Monde.fr avec AFP
Principal suspect dans la disparition de la fillette, Nordahl Lelandais a avoué, mercredi, l’avoir tuée. Mais il a refusé de s’exprimer sur les circonstances de sa mort.
D’importants moyens ont été déployés, mercredi 14 février, pour retrouver le corps de la petite Maëlys. Des chiens spécialisés dans la recherche de corps, un laboratoire mobile et une vingtaine d’experts de l’IRCGN étaient sur place. / JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
Après six mois de silence, Nordahl Lelandais a avoué, mercredi 14 février, avoir tué la petite Maëlys, et a fourni aux enquêteurs les indications qui ont permis de retrouver des restes de la fillette, à l’issue de difficiles recherches dans le massif enneigé de la Chartreuse (Isère). Si le principal suspect est passé aux aveux, il a toutefois refusé de s’exprimer sur les circonstances exactes de la mort de l’enfant, qui restent encore à éclaircir. Le point sur ce que l’on sait.
Pourquoi Nordahl Lelandais est-il passé aux aveux ?
Un élément nouveau dans l’enquête a précipité la fin des dénégations de Nordahl Lelandais, comme l’a rapporté Jean-Yves Coquillat, le procureur de la République de Grenoble, lors d’une conférence de presse organisée mercredi en fin de journée à la mairie du Pont-de-Beauvoisin, la commune où avait eu lieu la fête de mariage au cours de laquelle la fillette avait disparu :
« Les juges d’instruction ont fait désosser – je crois que le terme est exact – le véhicule de Nordahl Lelandais. »
Sous le tapis de sol qui recouvre le fond du coffre de l’Audi A3, auquel les gendarmes n’avaient pas eu accès tant que la voiture était encore en un seul morceau, ils « ont découvert une tache de sang » et « déterminé que ce sang était celui de Maëlys ».
M. Coquillat n’a pas précisé quand la tache de sang avait été découverte. Mais, sur les conseils de son avocat, Alain Jakubowicz, Nordahl Lelandais, qui avait jusque-là farouchement nié son implication, s’est ravisé et est passé aux aveux.
Plusieurs indices accablaient depuis près de six mois l’unique suspect de l’enlèvement et du meurtre de la fillette de 8 ans : une trace ADN de Maëlys retrouvée sur le tableau de bord de son véhicule et des images de caméra de surveillance filmées dans la nuit de sa disparition. Ces dernières montrent une voiture identifiée par le parquet comme celle de Nordahl Lelandais, avec à son bord « une silhouette frêle dans une robe de couleur blanche » comme celle que portait la fillette ce soir-là. Ses parents « ont reconnu des éléments de la robe et notamment la bretelle », selon leur avocat Me Fabien Rajon.
Au lendemain de la disparition, M. Lelandais avait également passé plus de deux heures dans une station-service – située à un kilomètre de la gendarmerie du Pont-de-Beauvoisin, et à deux kilomètres de la salle polyvalente – à récurer son véhicule, avec un soin particulier pour le coffre et la zone passager : sur une heure quarante-quatre minutes de nettoyage effectif, il avait consacré quarante-sept minutes au premier, et vingt-cinq à la seconde. Pour que sa voiture qu’il allait vendre à un ami soit « nickel », affirmait-il. Pour faire disparaître toute trace du drame, sait-on désormais.
Comment s’est-il débarrassé du corps ?
A sa demande, Nordahl Lelandais a été entendu tôt mercredi matin par les juges d’instruction et a été conduit près du village de Saint-Franc (Savoie) où il a admis s’être débarrassé de la dépouille de l’enfant. Dans un premier temps, il avait déposé le corps « à proximité » de la maison de ses parents, à Domessin, et était « retourné au mariage ». Ce n’est que plus tard qu’il est « revenu récupérer le corps » puis l’a abandonné dans la montagne, dans les premières pentes du massif de la Chartreuse, « un endroit où il y a de la forêt, une espèce de petit ravin, un endroit extrêmement reculé », a détaillé le procureur.
L’endroit se situe à proximité des gorges de Chailles, au milieu desquelles coule le Guiers, la rivière qui passe également par Le Pont-de-Beauvoisin. En allant pêcher là en 2009, Nordahl Lelandais et son ami David G. avaient découvert le squelette d’un homme disparu quatre ans plus tôt.
Entendu en septembre dans le cadre de l’affaire Maëlys, David G. avait rapporté aux enquêteurs : « Le jour où on a trouvé les ossements, Nordahl a dit que, si quelqu’un voulait faire disparaître un corps, c’était l’endroit idéal. »
Les recherches menées mercredi ont permis de découvrir, en fin d’après-midi, le crâne de l’enfant et un os long. Suspendues peu avant 20 heures, les recherches pour retrouver le reste de la dépouille ont repris jeudi matin, et un dispositif a été mis en place pour protéger la zone, selon une source proche de l’enquête.
Nordahl Lelandais a-t-il tué Maëlys volontairement ?
C’est le principal point qu’il reste à déterminer. Nordahl Lelandais a affirmé aux juges d’instruction avoir tué la petite Maëlys « involontairement » et s’être « débarrassé du corps ». Mais, pour l’heure, il a refusé d’expliquer en détail de quelle façon la petite fille était morte : « Il a indiqué qu’il souhaitait d’abord que le corps de Maëlys soit retrouvé, et qu’il s’expliquerait ultérieurement », a déclaré le procureur. « Naturellement, l’instruction va se poursuivre », a-t-il ajouté. Nordahl Lelandais « sera réentendu prochainement sur les faits et sur la manière dont la mort a été donnée, puisque nous n’avons pas la réponse pour l’instant ».
Volontairement ou non ? « Nous sommes sur la voie de la vérité », a lancé l’avocat de M. Lelandais, conscient que son client aurait « à répondre à de nombreuses questions. Je n’oublie pas qu’il y a un autre dossier, et de cela aussi il devra s’expliquer ».
En effet, Nordahl Lelandais est également mis en examen et détenu depuis décembre pour l’assassinat du caporal Arthur Noyer, en Savoie, en avril. Des vérifications sont en outre en cours dans une quinzaine d’affaires de disparitions inquiétantes survenues depuis 2010, afin de voir si Nordahl Lelandais pourrait être impliqué.