Le Français Pierre Vaultier aux JO de Pyeongchang, le 15 février. / Gregory Bull / AP

« On ne se fatigue jamais du rêve olympique ». L’été dernier, alors qu’il préparait ardemment ses quatrièmes Jeux olympiques (après Turin en 2006, Vancouver, 2010 et Sotchi, 2014), Pierre Vaultier nous confiait ce qui l’animait. Le snowboardeur français est devenu, jeudi 15 février à Pyeongchang, champion olympique en snowboardcross pour la seconde fois d’affilée, s’imposant au terme d’une journée dominée de bout en bout.

Piste s’élançant du haut de la montagne et serpentant, tel un torrent, jusqu’à son pied, le snowboardcross (ou bordercross) est aisé à appréhender : le premier arrivé en bas a gagné. Mais au cœur des creux, des bosses et des virages, la stratégie prime. Et dans cette « épreuve de confrontation », Vaultier est le maître. Chacun de ses runs (manches) est minutieusement préparé.

Son coach en équipe de France, Kevin Strucl, salue « un stratège ». D’autres louent son approche mathématique. Choisir parmi mille scénarios possibles – suivant les profils des adversaires sur lesquels l’expérimenté Vaultier a accumulé une base de données quasi encyclopédique – quel plan d’attaque choisir, et le réaliser. Voilà le quotidien d’une compétition de bordercross qui, si elle ressemble à « du Mario Kart sur neige » (la formule est de Jean-Frédéric Chapuis, champion olympique de skicross à Sotchi), n’est pas moins stratégique qu’une partie d’échecs.

« Miracle »

Pierre Vaultier est du genre obstiné. Annoncé forfait pour les Jeux olympiques de Sotchi après sa rupture d’un ligament croisé du genou fin décembre 2013, le Français a rebondi. Non content de revenir à temps, choisissant de ne pas se faire opérer et de surfer avec une attelle, il remporte l’or olympique. « Un miracle », estime le Haut-Alpin à chaud.

Quatre ans ont passé, et de miracle il n’est plus question. De minutieuse préparation, si. A 30 ans, l’athlète de Serre-Chevalier ne laisse rien au hasard. Le prix à payer pour se maintenir au sommet en dépit d’un corps perclus de blessures. Car la liste de ses séquelles est un triste inventaire. Fracture du dos en 2008, du péroné en 2011. Puis vient l’astragale (un os servant à la flexion et l’extension de la cheville) en 2012, dont il ne se remettra jamais complètement : aujourd’hui, le champion reste incapable de courir, mais se rattrape à VTT. Et enfin cette rupture du ligament croisé du genou (en 2013). Et la tête ? Pour l’instant, tout va bien, merci.

A le voir maîtriser de bout en bout sa compétition jeudi sur le snowpark de Bokwang, difficile de croire que Pierre Vaultier ait pu douter de ses capacités un jour. Pourtant, le Français a connu une carrière à l’image d’une piste de bordercross : pleine de creux et de bosses.

Un côté normal

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Perfectionniste à l’extrême, Vaultier n’arrivait pas, à ses débuts (il a commencé en 2005) à valider en compétition les promesses de ses entraînements. « Je cartonnais à l’entraînement, personne ne me faisait peur, mais je n’arrivais pas à transformer ça sur les courses à enjeux. » En cas de mauvais résultats, le Haut-Alpin se punissait, allant jusqu’à s’interdire de manger pendant quelques jours, et remettre en cause ses fondamentaux : « J’en étais arrivé à me demander comment faire un virage. »

« Pierre était victime de ses qualités, analyse Philippe Giraud, préparateur mental vers qui le champion s’est tourné en 2006. Capable d’exploiter 100 % de ses capacités à l’entraînement, mais complètement inhibé par le stress en compétition ». Depuis qu’ils collaborent, le snowboardeur a appris, non pas à se satisfaire de l’échec, mais à « ne plus détruire [ses] compétences. » Avec les résultats que l’on sait : en 2017, le natif de Briançon a complété son palmarès, remportant le titre de champion du monde de sa discipline.

Revendiquant son côté normal, et avouant n’avoir jamais rêvé de « devenir l’idole de quelqu’un », Pierre Vaultier ne cherche pas la lumière. Bien installé à Saint-Chaffrey (Hautes-Alpes) avec sa femme – l’ancienne snowboardeuse estonienne Kadri Pihla – et leurs deux jeunes enfants, il passe la moitié de l’année en Estonie.

Une chose est sûre, même trentenaire, même sans cheville, le désormais double champion olympique n’est pas près de quitter la piste. « Je vais avoir du mal à lâcher mon snow », reconnaissait-il cet été. Vu ses résultats, personne ne s’en plaindra.