Sciences Po choisissent le Kenya pour son premier bureau en Afrique
Sciences Po choisissent le Kenya pour son premier bureau en Afrique
Par Marion Douet (Nairobi, correspondance)
L’établissement français veut développer ses échanges avec le continent, où il prévoit « une forte compétition » dans l’enseignement supérieur.
Ni Abidjan, ni Johannesburg, ni Lagos : c’est à Nairobi que Sciences Po a décidé d’ouvrir son tout premier bureau en Afrique. L’université parisienne de sciences humaines et sociales est le premier établissement français à s’installer dans la capitale du Kenya, d’autres grands noms hexagonaux ayant choisi de se développer depuis l’Afrique francophone, telle l’école de commerce HEC, qui s’implante actuellement en Côte d’Ivoire.
Un choix en droite ligne, souligne la direction, avec la stratégie d’internationalisation de Sciences Po, qui accueille des étudiants de 150 nationalités et propose un tiers de ses cours en anglais. Mais il s’agit aussi de s’installer sur un marché prometteur. « Nous avons choisi le Kenya car c’est une plateforme dynamique pour l’ensemble de la région », a ainsi justifié Vanessa Scherrer, la vice-présidente chargée des affaires internationales, lors du lancement officiel à Nairobi, lundi 19 février. Et d’ajouter : « Nous y anticipons une forte compétition dans l’enseignement supérieur dans les dix prochaines années. »
Locomotive économique de l’Afrique de l’Est (avec un taux de croissance prévu à 5,5 % en 2018), le Kenya voit sa classe moyenne augmenter et, avec elle, le nombre d’inscrits sur les bancs des universités publiques et privées – en plein essor. « Mais ce bureau n’est pas le bureau de Sciences Po pour le Kenya, poursuit Vanessa Scherrer. Il s’agit d’un bureau pour l’Afrique, où nous ne faisons d’ailleurs pas nos débuts : notre stratégie africaine a démarré il y a dix ans. » L’établissement français a développé une trentaine de partenariats avec des universités du continent et ouvert un programme Europe-Afrique en 2010. En « forte hausse », la part de ses étudiants africains, 600 sur un total de 11 000 (soit 5,5 %), reste cependant limitée.
Un pari gagnant-gagnant
Recruter plus de jeunes du continent est l’une des priorités de ce bureau de représentation qui, à l’instar de ceux de Bombay, New York ou Singapour, ne dispensera aucun cours. Une question « d’égalité et d’équité dans la relation » avec les universités locales, assure la direction, qui veut plutôt miser sur de nouveaux partenariats. Après l’Université de Nairobi et l’université Kenyatta, toutes deux publiques, le groupe envisage des alliances avec des établissements privés renommés, comme l’université Strathmore ou la United States International University (USIU).
Mais, fidèle à sa politique d’ouverture sociale (en France, l’établissement recrute depuis 2001 dans les zones d’éducation prioritaires), Sciences Po affirme rechercher « des talents dans tous les milieux sociaux », grâce à des bourses mais aussi à un marketing intense. « Nous allons être actifs sur les réseaux sociaux, présents sur tous les événements liés à l’éducation en Afrique, et nous nous appuierons sur le réseau de 600 anciens élèves africains de Sciences Po », affirme Sheila Chepkoech, une Kényane nommée directrice pour l’Afrique de l’Est après avoir elle-même étudié rue Saint-Guillaume.
A Nairobi, on reconnaît cependant que la notoriété de Sciences Po reste limitée. Dans un pays anglophone où les grands établissements américains et britanniques font rêver les élèves, faire connaître la marque Sciences Po est le principal défi. Mais les ambitions de l’établissement devraient rencontrer un accueil bienveillant du monde universitaire, conscient des bénéfices d’une plus grande exposition internationale. L’Université de Nairobi y voit ainsi un pari gagnant-gagnant. « Nous avons la même stratégie d’internationalisation, explique William Ogara, son directeur des programmes internationaux. Notre objectif est d’atteindre 20 % de composants internationaux dans les prochaines années, qu’il s’agisse de programmes, d’étudiants, etc. Et nous en sommes encore loin. Ils sont français et alors ? Nous ne faisons pas de discrimination ! »