Laurent Wauquiez lors d'un colloque sur l'Europe organisé par le think tank Fondapol, le 9 mai 2011. / FRANCOIS DABURON/CC-BY-SA-2.0

Qu’il s’agisse de retoucher leur image auprès des décideurs de demain ou de meubler une traversée du désert, nombreux sont les anciens ministres, députés, sénateurs, hommes ou femmes politiques à faire valoir leur expérience dans de prestigieux établissements d’enseignement supérieur.

Pas d’ostracisme au sein des grandes écoles, les ex-ministres de droite comme de gauche sont les bienvenus. Laurent Wauquiez, président des Républicains et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, donnait à l’EM Lyon un module de quatre cours sur les « grands enjeux de société », dont le troisième, le 15 février, a été enregistré puis diffusé par l’émission de TMC « Quotidien », suscitant un tumulte médiatico-politique. « Nous avons aussi bien reçu Cécile Duflot (EELV) que Najat Vallaud-Belkacem (PS) », assure le directeur de cette école de commerce, Bernard Belletante, dans un entretien à l’un des blogueurs du Monde, Olivier Rollot, ajoutant que c’est l’ex-membre du gouvernement de Nicolas Sarkozy qui avait proposé ce cours. Deux autres anciens ministres de droite, François Baroin et Jean-François Copé, y sont, eux aussi, récemment intervenus.

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Pourquoi les politiques ont-ils porte ouverte dans les grandes écoles ? Selon Bernard Belletante :

« Le management fait partie de la vie sociale. Nos étudiants ne doivent pas être que des techniciens. Nous devons leur apporter également une intelligence émotionnelle, la capacité à rencontrer des personnalités extrêmement différentes. Bien sûr, il y en a toujours qui nous reprochent d’avoir invité telle ou telle personnalité, mais présenter cette pluralité d’opinions fait aussi partie de notre mission. »

Apprentissage indispensable

Une rencontre, voire une confrontation avec un homme ou une femme politique compte parmi les apprentissages indispensables, particulièrement dans les écoles de sciences politiques, de journalisme et de communication. « Nous avons toujours eu des personnalités politiques qui interviennent dans nos cursus », indique Nathalie Bédé, directrice des relations extérieures de l’Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Paris, où Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la culture et de la communication de François Hollande, anime, deux heures par semaine, des cours de communication institutionnelle, dont l’un sur la communication de crise.

L’expertise accumulée au plus haut niveau des institutions par ces hommes et ces femmes politiques justifierait leurs collaborations avec l’enseignement supérieur. L’ESCP Europe compte dans ses rangs Nicole Fontaine, ancienne présidente du parlement européen et ancienne ministre chiraquienne, qui anime notamment des séances de travail sur la construction des directives européennes.

L’école compte aussi parmi ses professeurs un de ses anciens élèves (promotion 1972), chargé d’une quinzaine d’heures de cours sur le leadership : il s’agit de Jean-Pierre Raffarin. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac, également sénateur, enseigne aussi à HEC. Laquelle compte également, dans l’équipe enseignante, l’ancien ministre de l’économie François Baroin, qui intervient « dans les domaines de la macro-économie, de la géopolitique et de la gestion de crise », et l’ex-président socialiste de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, chargé de cours de « gouvernance publique ».

Remplir une période de flottement

Enseigner, c’est également une façon de remplir une période de flottement dans une carrière politique, ou d’en accompagner la fin. Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre sarkozyste qui a échoué à prendre la mairie de Paris puis aux élections législatives de 2017, est retournée dans son ancienne école, Polytechnique, pour y donner des cours d’écologie politique.

Dans la même veine, en 2015, Jean-François Copé est devenu chargé de cours à Sciences Po Paris pour une « une introduction au droit international », afin de permettre aux étudiants « d’avoir un regard critique sur les origines et les effets des politiques publiques dans un monde globalisé ». Un bol d’air pour le maire de Meaux qui venait d’être contraint à démissionner de la tête de l’UMP.

Depuis l’alternance politique de 2017, l’Ecole de la rue Saint-Guillaume compte de nouveaux intervenants proches du Parti socialiste : Bernard Cazeneuve, ancien premier ministre, assure un cours sur « la politique de lutte antiterroriste en France à travers l’évolution récente de l’ensemble de ses outils. » Gaspard Gantzer, ancien « spin doctor » de l’Elysée, y apporte également son expérience dans « la communication de crise dans le champ politique. » Personne ne lui reprochera un manque d’expérience. Aurélie Fillippetti y assure également plusieurs cours. Toutefois l’institut d’études politiques relativise le poids de ces anciens ministres ou conseillers :

« Les femmes et les hommes politiques figurent parmi les plus célèbres, mais ne représentent qu’une part infime des 4 500 enseignants de Sciences Po. Les taux de satisfaction de nos étudiants concernant leurs cours sont très élevés, et dans les rares cas où l’appréciation des étudiants est décevante, nous le signalons à l’enseignant et, le cas échéant, cessons la collaboration. »

Quid de la rémunération de ses professeurs pour leurs prestations ? Les écoles interrogées ont souhaité conserver la confidentialité.

Quant à l’Essec, où Marisol Touraine a enseigné avant d’être ministre, elle ne compte plus actuellement de personnalité politique dans son corps enseignant. Pour en recruter, la grande école de commerce explique qu’« il faut trouver la personne qui a les compétences nécessaires ». « Dans ce contexte, nous avons eu par le passé des hommes et femmes politiques qui correspondaient à ce que nous cherchions. Ce n’est pas le cas pour le moment, mais il n’y a pas de raison que dans l’avenir, des personnalités politiques n’enseignent pas à nouveau dans nos programmes. » Les portes sont donc partout largement ouvertes.