Asile et immigration : un projet de loi déséquilibré
Asile et immigration : un projet de loi déséquilibré
Editorial. Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a présenté, le 21 février, un texte dont le centre de gravité se situe, à l’évidence, du côté de la fermeté.
Editorial du « Monde ». Le gouvernement aura fort à faire pour apaiser le débat sur sa politique en matière d’immigration et d’asile. Le projet de loi présenté, mercredi 21 février, par le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, ne suscite pas seulement, pour la première fois depuis le début de la législature, interrogations et réticences dans la majorité. Il déclenche contre lui le feu croisé de toutes les oppositions. Les droites le jugent trop timoré, les gauches trop musclé. Et les associations qui assurent l’essentiel de la prise en charge des réfugiés déplorent que ce projet manque au devoir élémentaire d’accueil humanitaire de la France.
Face à cette salve de critiques, le gouvernement fait bloc et fait front. Depuis des mois, le président de la République martèle, comme le 16 janvier à Calais, que la France doit « garantir un accueil digne et humain » et donner à tous les demandeurs d’asile « une réponse rapide », mais qu’elle doit également, sans états d’âme, reconduire dans leur pays ceux qui ne sont pas admis. Quant au ministre de l’intérieur, il défend le caractère « totalement équilibré » de son projet, seul capable d’assurer « une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif ».
Se prémunir contre un procès en laxisme
Or, c’est bien là que le bât blesse, tant il est clair que la balance n’est pas égale entre humanité et fermeté. Certes, le gouvernement peut mettre en avant quelques mesures destinées à améliorer la situation des demandeurs ou des bénéficiaires de l’asile : réduction de la durée des procédures d’instruction des dossiers ; carte de séjour de quatre ans (au lieu d’un an) pour les demandeurs agréés ; réunification des familles des mineurs réfugiés étendue aux frères et sœurs ; amélioration du statut des étudiants étrangers, des chercheurs ou de travailleurs hautement qualifiés. En outre, le rapport, opportunément remis le 19 février au premier ministre par le député Aurélien Taché (La République en marche), pour favoriser l’intégration des étrangers arrivant en France offre au gouvernement un ensemble de mesures dans lequel il pourrait puiser pour calmer les inquiétudes de sa majorité lors du débat parlementaire.
Mais le centre de gravité du projet gouvernemental se situe, à l’évidence, du côté de la fermeté. En effet, plusieurs mesures-clés ont pour but de dissuader les demandeurs d’asile, de les débouter et de les expulser. Pour s’en tenir à l’essentiel : le délai de recours en cas de rejet de la demande d’asile est ramené d’un mois à quinze jours, et ce recours ne sera plus automatiquement suspensif quand les demandeurs viennent de pays « sûrs » ou présentent une menace à l’ordre public ; la durée de rétention administrative d’étrangers déboutés dans l’attente de leur renvoi dans leur pays d’origine sera portée de quarante-cinq jours à trois, voire quatre mois ; enfin, la durée de retenue administrative, de garde à vue en quelque sorte, pour vérifier le titre de séjour d’un étranger passera de seize à vingt-quatre heures.
Le gouvernement espère ainsi se prémunir contre le procès en laxisme que lui font la droite et l’extrême droite. En outre, il sait qu’il répond aux attentes d’une opinion publique majoritairement favorable à plus de fermeté en matière d’immigration. Mais, ce faisant, il néglige cruellement deux principes fondamentaux : l’accueil des personnes en détresse (quasiment absent de son projet) et le respect de la dignité humaine. En la matière, le « en même temps » cher au président de la République n’est plus que de façade.