JO 2018 : Vonn-Shiffrin, loin du grand chelem
JO 2018 : Vonn-Shiffrin, loin du grand chelem
Par Clément Martel, Clément Guillou
Les deux stars du ski féminin ont vu le combiné leur échapper, à l’image de Jeux frustrants.
Mikaela Shiffrin (à droite) salue Lindsey Vonn après l’épreuve de combiné, jeudi 22 février, à Pyeongchang. Michael Probst / AP / Michael Probst / AP
Les téléspectateurs de NBC, aux Etats-Unis, découvrent depuis deux semaines l’imprévisibilité d’un sport qu’ils ne suivent qu’une fois tous les quatre ans, aux Jeux olympiques : le ski alpin. On leur avait vendu un grand chelem des deux seuls noms leur évoquant vaguement quelque chose : Lindsey Vonn et Mikaela Shiffrin. Puisqu’elles ne disputeront pas l’épreuve par équipe, samedi 24 février, les deux skieuses repartiront de Pyeongchang avec une médaille de bronze pour la première, une d’or et une d’argent pour la seconde.
Si le bilan satisferait bien des nations de ski, il n’est pas à la hauteur des ambitions des deux femmes. La déception s’ajoute à de nombreuses autres pour la délégation américaine, dont la quatrième position provisoire au tableau des médailles n’est due qu’à la razzia de ses snowboardeurs et skieurs acrobatiques.
Les choses ne se sont pas passées comme prévu pour les deux championnes, jusqu’à ce combiné disputé jeudi 22 février, qui représentait leur dernière chance de médaille. Lindsey Vonn a fait son devoir en remportant la descente du combiné, mais était emportée par une bourrasque de neige en s’élançant pour le slalom, et sortait du tracé après quelques portes. « Je n’étais pas aussi émue que la veille [après sa troisième place dans la descente des Jeux], car je savais que les chances étaient minces. J’ai été tellement freinée que le fait d’être ici, aux Jeux, est une victoire en soi », a positivé la star à l’issue de sa dernière course olympique.
Mikaela Shiffrin, de son côté, peinait à faire valoir ses nouvelles qualités de descendeuse et n’avait pas sa fluidité habituelle entre les piquets. Insuffisant pour devancer la Suissesse Michelle Gisin, médaillée d’or. « Elle a quand même fait un superboulot, au vu de la faible longueur du slalom et de son tracé très direct. Sur la descente, elle a fait une faute très tôt et ça a donné le ton, jugeait son entraîneur Mike Day. Pour elle, deux médailles, c’est un grand succès. » L’entraîneur convenait toutefois des difficultés rencontrées par sa protégée durant ces Jeux. Les embouteillages du calendrier, en raison des reports pour cause de grand vent, ont eu deux conséquences : épuiser nerveusement la championne – « J’avais l’impression qu’on jouait avec mon cerveau » – et l’obliger à renoncer au super-G, puis à la descente, afin de se ménager des jours de repos entre les épreuves.
Interrogé sur son incapacité à afficher son meilleur niveau de slalom à Pyeongchang, Mike Day répondait : « Si j’avais la réponse, je serais psychologue, et non entraîneur de ski. Mais les Jeux olympiques sont vraiment difficiles à gérer, il y a beaucoup d’attentes. Toute l’Amérique attendait beaucoup d’elle. »
C’est peu dire : lors de la conférence de presse de Mikaela Shiffrin, à l’orée des Jeux, un journaliste américain, visiblement peu au fait des sports d’hiver, lui avait demandé si le record de titres olympiques du nageur Michael Phelps (23) lui semblait atteignable. Elle avait préféré en rire.
Leçon de morale
Si le ski américain s’était pris à rêver d’une présence de sa nouvelle égérie sur les podiums des cinq épreuves individuelles, c’est que la prodige de Vail (Colorado), où réside aussi Lindsey Vonn, a commencé cette saison à s’illustrer dans les disciplines de vitesse. Elle qui règne sur les courses techniques se cherchait un nouveau défi et avait créé la sensation en s’imposant, pour l’une de ses premières participations à une descente, dans celle de Lake Louise (Canada), en décembre.
L’accumulation des courses, toutefois, a pesé sur la résistance de Mikaela Shiffrin. Fin janvier, à Lenzerheide (Suisse), celle-ci avait perdu son ski – et le slalom –, finissant en pleurs dans sa chambre. Sur le slalom olympique, son cerveau s’est de nouveau retrouvé en surchauffe. « Si je suis fatiguée mentalement, les nerfs craquent et je perds le contrôle », racontait-elle jeudi.
L’Américaine consulte un psychologue du sport depuis 2016 pour faire face à des crises d’angoisse avant les courses. A l’arrivée du combiné, où il neigeait à gros flocons, elle préférait se réjouir de ces deux médailles, « géniales, compte tenu de ces changements de calendrier ». Lindsey Vonn, 33 ans, a donné dans la leçon de morale : « Elle avait le potentiel de faire bien plus à ces Jeux, mais c’est comme pour moi, on ne peut pas s’attendre à tout gagner à chaque fois. Je l’ai vu dans ma carrière : les choses tournent vite. C’est pour ça qu’il faut apprécier chaque moment, car le ski alpin a parfois l’art de tout vous arracher. » On ne sait si elle pensait, secrètement, à cette couverture d’un magazine américain présentant sa cadette avec le titre suivant : « Mikaela Shiffrin est la plus grande skieuse de tous les temps ».
A l’époque, Lindsey Vonn avait simplement publié sur Twitter une capture d’écran de sa biographie Wikipédia, où figuraient ses 81 victoires et vingt globes de Coupe du monde. Dans l’avion la ramenant vers les Etats-Unis, la dame du Minnesota se satisfera au moins d’avoir conservé son statut, pour quelque temps encore.