TV – « Zuzana Ruzickova, la musique d’une vie »
TV – « Zuzana Ruzickova, la musique d’une vie »
Par Renaud Machart
A voir aussi ce soir. La vie de la claveciniste tchèque, rescapée des camps de concentration nazis et épargnée par les purges communistes (sur Histoire à 20 h 40).
La claveciniste tchèque Zuzana Ruzickova n’aurait pas dû mourir à 90 ans, en septembre 2017 à Prague, mais dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, en 1945. Ce qui faillit advenir et dont elle réchappa de manière presque miraculeuse alors qu’elle n’avait que 18 ans.
Ce remarquable documentaire de Peter Getzels fait parler, quelques mois avant sa disparition, celle qui fut la première – pour une maison de disques française, Erato – à enregistrer l’intégrale de l’œuvre pour clavecin de Bach.
Ruzickova, cigarette à la main, l’œil vif, le sourire voilé par de rares larmes, parle de tout. De tout ce qui est dicible tant, elle le rappelle, il est impossible de dire vraiment ce que fut cette expérience des limites de soi et de « l’horreur calculée dans les moindres détails » de la « solution finale » nazie.
Elle se souvient avoir pensé, avant de partir pour le camp de Theresienstadt (aujourd’hui Terezin), le premier des trois camps qu’elle connaîtra, dès l’âge de 13 ans : « Quand on a eu une enfance heureuse, rien ne peut vraiment vous gâcher la vie… » Mais d’ajouter : « Ce fut l’image la plus atroce de la vie, alors que nous ne connaissions encore rien d’elle. »
Opiniâtre comme peu
Après leur libération, la musicienne et sa mère sont reçues dans leur ville natale, Plzen, comme des « revenantes » par d’anciens voisins qui les croyaient mortes. Elles sont à la rue mais pas un ne leur propose de les accueillir.
Ses professeurs découragent Zuzana : malgré le contact avec des musiciens éminents à Terezin, les cinq années passées en camps ont retardé sa formation. Mais, opiniâtre comme peu, Ruzickova travaille d’arrache-pied et devient une pianiste puis, exclusivement, une claveciniste de renom.
Le récit de cette vie se poursuit avec l’évocation de son pays natal placé, en 1948, sous le joug communiste. Ruzickova, juive et « politiquement incorrecte » – c’est-à-dire non communiste –, sera longtemps sujette à une double peine
Mais, bientôt reconnue internationalement, la claveciniste sera épargnée par le pouvoir en place, et même volontiers envoyée à l’étranger (les cachets qu’elle y reçoit sont ponctionnés par l’Etat). Elle ne connaîtra la vraie liberté qu’en 1989. Une année qu’elle vivra comme un nouveau miracle.
Zuzana Ruzickova, la musique d’une vie, de Peter Getzels (GB., 2016, 80 min).