TEASER SERIES MANIA 2018
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Directeur artistique de Séries Mania depuis sa création, en 2010, Frédéric Lavigne est la tête chercheuse des créations qui nourrissent la compétition internationale du festival et les sections thématiques, ouvertes au grand public. A deux mois du lancement de la manifestation qui se tiendra à Lille, du 27 avril au 5 mai, il explique son travail.

Comment s’opèrent vos recherches ?

Il y a deux types de veille. L’une, classique, consiste à consulter toutes les publications professionnelles qui annoncent les nouveaux projets de séries, que ce soit aux Etats-Unis, en Angleterre, en France ou ailleurs. Il existe une multitude de revues et de newsletters dans ce domaine. Mais rien ne vaut le relationnel, les discussions en direct. En huit ans, avec Laurence Herzsberg, la directrice générale du festival, nous avons tissé un large réseau, que ce soit en France, avec l’ensemble du paysage audiovisuel, en Europe et aux Etats-Unis. Grâce à quoi, aujourd’hui, on nous envoie spontanément nombre de propositions de séries.

L’autre type de veille tient à nos déplacements, qui commencent en septembre, à Londres, épicentre pour rencontrer les chaînes, les producteurs, les vendeurs internationaux importants, voire les antennes anglaises de grands distributeurs américains. Cela permet de repérer ce qui pourrait être prêt à temps, en avril, pour le festival, sachant que nous recherchons en premier lieu des avant-premières. Un autre des rendez-vous clé est celui du MIPCOM [Marché international des programmes de communication] à Cannes, en octobre, où il y a absolument tout le monde. Nous organisons aussi des rencontres avec les studios à Los Angeles deux fois par an, afin de prendre la température de la production américaine, principalement celle des chaînes généralistes.

Pour des pays ou des territoires plus lointains, comme l’Australie, la Russie, le Moyen-Orient, l’Afrique ou l’Amérique du Sud, nous nous appuyons sur des conseillers indépendants, afin de ne pas rater l’apparition de séries qui pourraient faire la différence.

Ce type de veille a-t-il dû évoluer, au vu de la multiplication des créations de séries ?

Un phénomène est apparu, encore mineur, mais qui se développe à grande vitesse. Aux Etats-Unis, il existe désormais d’énormes agences qui représentent non seulement des acteurs mais aussi des romanciers, des scénaristes, des réalisateurs, des metteurs en scène, etc. En fédérant ainsi tous les talents, ces agences en viennent aujourd’hui à proposer aux chaînes ou aux plates-formes des séries clé en main. Ce qui fait que les droits, du coup, restent dans l’agence. Il est donc devenu incontournable pour nous de rencontrer ces agents : ils sont au courant d’énormément de projets qui se préparent, soit à leur initiative, soit parce qu’ils ont des talents qui y sont impliqués.

Voilà le type de réseau que l’on tisse patiemment, pour rester informé et tenter de ne rien rater, mais aussi pour imaginer qui devront être nos « grands invités » lors du prochain festival, qui viennent pour des conférences et des échanges avec le public.

Frédéric Lavigne, directeur artistique de Séries Mania. / Séries Mania

Sur quels critères sélectionnez-vous quelque cinquante nouvelles séries ?

Pendant quatre mois, entre décembre et mars, avec une équipe de quatre personnes et la directrice générale, Laurence Herszberg, nous regardons l’équivalent de 300 séries. La sélection repose sur des critères très variés : les genres, les territoires, la nature des diffuseurs, les ayants droit, la diversité des formes (avec des séries d’auteur mais aussi très grand public). En tant que festival grand public, nous essayons de présenter un état du monde des séries.

Pour la section Panorama, par exemple, nous recherchons des séries qui racontent leur pays d’origine ; et comme nombre d’entre elles ne seront pas diffusées sur nos chaînes, nous faisons venir leurs créateurs pour qu’ils expliquent ce que c’est de faire une série dans leur pays, ce qu’elle raconte de leur société et du monde d’aujourd’hui.

Parmi les six personnes qui visionnent, certains sont un peu spécialisés, dans les formats courts digitaux par exemple, qui auront plus de place cette année, ou les séries françaises, etc. Nous visionnons tous ce que chacun a présélectionné, de façon à refléter un certain consensus. Délibérément, nous sommes une équipe d’âges et de sensibilités différents afin que le festival ne reflète pas seulement mes goûts ou ceux de la directrice générale.

Lequel des festivals de cinéma projetant des séries redoutez-vous le plus ?

Nous avons craint un temps celui de Toronto, très puissant en termes de cinéma et de business, mais finalement, sa tentative de s’engager aussi sur les séries est en train de s’étioler. Ce qui nous contrarie le plus, ce sont les autres festivals de printemps, indéniablement trop nombreux. Celui de Berlin grandit, avec un vrai marché et des organisateurs qui essaient d’y introduire la télévision, mais nous avons un bon partenariat avec ce festival ; sans compter qu’avec deux mois d’écart entre nos deux manifestations, nous pouvons obtenir des séries différentes.

Ce qui est dommage, bien sûr, c’est que le festival de séries de Cannes [du 7 au 11 avril] soit lancé trois semaines avant le nôtre. Mais notre relative concurrence n’intervient que sur dix titres de la compétition internationale, quand nous programmons plus de cinquante séries. Et puis surtout, il existe aujourd’hui un foisonnement si effarant de bonnes séries que cela n’empêche pas de monter, même à un mois d’intervalle, une très belle compétition.