DVD : Pete Walker, maître ès châtiments
DVD : Pete Walker, maître ès châtiments
Par Jean-François Rauger
« Flagellations » et « Mortelles confessions », du cinéaste britannique, ressortent en Blu-ray.
Les films du Britannique Pete Walker ont été peu (et mal) distribués en France, essentiellement tardivement dans des salles de quartier et parfois uniquement en cassettes vidéo dans les années 1980, soit bien après que le cinéaste eut abandonné la réalisation pour se recycler dans l’immobilier. Raison de plus pour se féliciter de cette édition en Blu-ray par Artus Films de deux de ses titres les plus marquants.
Prototype du réalisateur indépendant ayant spéculé sur le recul de la censure, Pete Walker a débuté dans les saucy pictures (comédies érotiques et grivoises), en vogue à la fin des années 1960. Les grands mythes du fantastique gothique exaltés notamment par le studio Hammer Film donnent des signes d’épuisement au cinéma. L’horreur sera désormais réaliste et malsaine, et Walker s’engouffrera dans cette brèche. Flagellations (1974) est ainsi le premier titre annonçant une série de films construits sur le même principe. Sa singularité, ainsi que celle de Mortelles confessions repose sur une profonde ambiguïté.
Sensations érotiques et sadiques
Dans Flagellations, un jeune homme ténébreux, Mark E. Desade (prononcer Marquis de Sade !) séduit une top-modèle posant nue et lui propose de l’emmener dans sa famille. Elle se trouvera enfermée dans une sordide prison privée, où elle subira une parodie de procès, avant d’être enfermée et maltraitée par celle qui se présente comme la directrice et par deux gardiennes mentalement dérangées.
Variation déformée sur le genre dit WIP (films sur des femmes en prison), Flagellations décrit le calvaire de victimes livrées à d’insensibles bourreaux, fouettées avant d’être promises à une mort certaine par pendaison, dont le protocole (pesée, coupe de cheveux, etc.) est froidement détaillé. A l’instar de ce qu’incarne le cinéma d’exploitation dans son essence, le film flatte les mauvaises pulsions d’un spectateur avide de sensations érotiques et sadiques, une jouissance contradictoire avec la charge pamphlétaire dont semble se doter le film, qui s’attaquerait superficiellement à un rigorisme moral dépassé par la libéralisation des mœurs.
« Mortelles confessions » (1976), de Pete Walker. / ARTUS FILMS
Réalisé deux ans plus tard, Mortelles confessions enfonce le clou avec son prêtre assassinant ou poussant au suicide les jeunes femmes venues se confesser, en excitant son désir sexuel. Il est facile, au-delà de sa dimension anticléricale, de déceler dans ce récit une vision perverse et anglicane du catholicisme, fustigé pour sa pratique de la confession considérée comme une rédemption à bon compte et son injonction de célibat imposé aux ministres du culte.
Méchants incestueux
Les films de Walker se distinguent par leur peinture de méchants très réussie. Ceux-ci sont volontiers incestueux (les rapports entre la directrice de la prison dans Flagellations et son propre fils, l’attachement maladif du prêtre à sa mère dans Mortelles confessions) et tourmentés par le refoulement. N’apparaissent-ils pas comme plus complexes que la jeunesse jouisseuse et puérile qu’incarnent leurs victimes ? Intervenant en supplément, un spécialiste du cinéma d’exploitation, David Didelot, insiste sur les convictions politiques d‘un cinéaste plutôt conservateur, peu disposé à s’identifier aux jeunes protagonistes de ses films, voyant dans leur hédonisme une manière d’ouvrir la porte d’une répression sans garde-fous.
Alors que la critique française a souvent exalté le cinéma d’horreur comme une volonté subversive de s’en prendre à l’ordre social, dans une optique parodique et dégénérée du rapport des surréalistes aux « mauvais objets » cinématographiques, la possibilité d’une telle sensibilité chez un cinéaste qui a dû, en outre, souvent lutter contre la censure, ouvre un gouffre sous les pieds du spectateur. Flagellations, dit un carton au début du générique, « est dédié à ceux que le relâchement des codes moraux actuel inquiète et qui attendent impatiemment le retour des châtiments corporels et de la peine de mort ». Dont acte.
Flagellations - Film-annonce
Durée : 02:23
Mortelles Confessions - extrait
Durée : 01:18
Flagellations (1974) et Mortelles confessions (1976), films britanniques de Pete Walker. Vendus séparément en DVD ou Blu-ray, Artus films. Sur le Web : www.artusfilms.com/british-horror/preco-flagellations-250 et www.artusfilms.com/british-horror/preco-mortelles-confessions-249