TV – « Black Coal » : le corps social chinois éparpillé façon puzzle
TV – « Black Coal » : le corps social chinois éparpillé façon puzzle
Par Jacques Mandelbaum
A voir aussi ce soir. Le réalisateur Diao Yinan mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (sur OCS City à 20 h 40).
Black Coal - Bande-annonce VOST
Durée : 01:39
Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).
Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.
Et, malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.
Arme de séduction obscure
Une piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va l’hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.
Séance de patin à glace, par ailleurs arme d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.
Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.
Black Coal, de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min).